Kate Beaton nous relate l'expérience traumatisante qu'elle a vécu, dans l'industrie lourde de l'extraction du pétrole des sables bitumineux dans le nord de la province de l'Alberta, au Canada, loin de son île de Nouvelle-Ecosse, pour rembourser la dette de son prêt étudiant. Car avec sa licence d'Anthropologie elle ne trouve pas de travail. Et l'endroit où l'on peut gagner beaucoup d'argent assez rapidement, c'est dans ces mines. Cela va lui prendre tout de même deux ans, au service entrepôt / magasin, avec une coupure d'un an au milieu pour souffler, de 2005 à 2008.
Tout est toxique dans ce lieu. La pollution environnementale extrême : les cas de cancer y sont très nombreux, et on aborde à peine le scandale pour les premières nations qui voient leurs terres saccagées, ravagées, sacrifiées pour plusieurs générations.
Surtout, l'
environnement toxique mis en avant dans ce récit, c'est l'environnement humain. Pendant ces deux ans, Kate va aller de site en site, certains proches de la ville (ce qui permet de voir autre chose le soir), et des camps trop éloignés et totalement clos. A 21 ans, elle en difficulté pour se défendre face au véritable harcèlement sexuel qu'elle subit dans un milieu où la population masculine est 50 fois supérieure à la population féminine. Car hélas dans ce type de lieu de travail, une femme doit se défendre sans cesse, et la notion de respect et de consentement, comment dire que certains passent outre… Sa hiérarchie lui fait comprendre que ce n'est pas si grave, et que si elle ne supporte pas, elle peut chercher ailleurs. Elle s'interroge : Est-ce le lieu qui change les hommes, qui ne se comporteraient pas comme ça chez eux ? Les amitiés existent, heureusement, et tous les hommes ne se comportent pas comme des porcs. Et petit à petit elle apprend à répondre, à prendre du recul, elle fait ses premières bandes dessinées et elle commence à s'imaginer un avenir.
430 pages monochromes en gris ou bleu pétrole, dans un environnement glacial où on a l'impression de ne jamais voir le jour, avec une mise en cases bien fermées, ça contribue au sentiment de malaise qui vous prend au début de la lecture et ne vous lâche pas jusqu'à la délivrance. Ouf ! C'est lourd. Mais c'est la réalité.
A lire, donc, car c'est un témoignage rare et courageux, que
Kate Beaton a voulu rendre le plus objectif possible. Merci à elle.