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Citations sur Le jour des corneilles (89)

Au bout d'une durée, il sortit de sa torpeur et fouilla en une poche de son vêtement, d'où il tira une michotte de pain et une gourde d'eau-de-raisin. Usant de sa robe comme d'une table, il rompit le pain et en avala une morcelle. Il m'offrit par suite à manger, ce que je fis volontiers, car, à cette heure, j'avais l'estomac qui commençait à grincer. Puis il déboucha la gourde, y breuva et m'invita à le singer, ce que je fis encore. [...] Glissant alors la main sous son accoutre à l'altitude du poitrin, il commença à fouiller ce secteur fébrilement. Puis le voici qui sort avec lenteur sa main, enserrant à présent quelque chose que je ne démêle pas encore. J'agrandis l'oeil, soulève le sourcile, allonge le col, et que vois-je ? Vision fabuleuse ! Spectacle incroyable ! Impensable tableau ! Le mort tenait son coeur, son coeur, son coeur encore tout remuant de mouvements et de vies ! Cloué sur ma billette, j'étais si stupide que j'en égarai sur le moment la parole, et presque le respire.
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Si j'avais su que discours est comme clôture à
troupeau; qu'il restreint la dispersion de soi et autorise l'agroupement, et en favorise le guet et la meilleure connaissance.
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Pouvait-on inhumer le sentiment, comme on le faisait coutumièrement des chairs ? Produits de cœur seraient ainsi autant palpables que viscères, que musclures (sic) ? Aussi enfermables que gangstaires (sic) ? Cela en tout cas traduirait la sécheresse de père à mon endroit. Il me fallait éprouver cette vue.
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Peut-être ainsi, mâchais-je en moi-même, la folie est-elle une sorte de corridor reliant vifs et trépassés.
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C'est à ce moment-là qu'amour établit sa paillasse en ma personne. C'est là aussi que je ressentis que parole donne vie à toutes choses en les baptisant d'un nom.
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Père, toi qui vécus, dis-moi : sous cieux et sur Terre, qui sommes-nous véritablement ? Oui, quelle sorte de bête est donc l'humanité ? Et d'où vient que, lorsque les soirs paraissent, notre casque s'embue de la songerie de ces choses-là, ci-devant l'immensité nombreuse des astres en cieux ?
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"C'est à ce moment-là qu'amour établit sa paillasse en ma personne. C'est là aussi que je pressentis que parole donne vie à toutes choses en les baptisant d'un nom. J'appris le nom de père, puis celui de Manon, et ce fut pour moi comme si ces personnes commençaient à vivre véritablement : je les vis pour la première fois. Je toisai en ces noms là comme je toisai en miroir ma face délivrée de ses crasses .. ce fut révélation et saisissement".
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Car même si je ne crains guère le moment de mon simple trépas, je tremble comme pâquerette sous brise au seul penser de quitter un jour l'ici-bas et d'y avoir vécu en vain. Et quoi de plus vain, Monsieur le juge, qu'une existence de bourgeois ou de créature sans chérissement, c'est-à-dire sans ouverture menant au cœur ? C'est là, en ma carrière humaine, l'objet de ma plus tendre peur.

(P104)
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Lorsque le soleil était bien enfoncé à ponant, il m'arrivait, quand il s'essayait à traduire le ciel en son ornement d'étoiles, de questionner père sur ma destinée. Car père était lecteur d'astres et, par même occasion, déchiffreur des avenirs inscrits en eux. Et moi, j'étais en cette matière aussi curieux que le loutron : je n'avais de cesse de me cuisiner et de m'interviewer sur le sort me guettant et sur la tournure de ma personne. J'étais ainsi fait, Monsieur le juge : je ne me rassasiais guère du jour coulant, et m'était besoin de creuser les époques prochaines. Ah ! comme j'aurais goûté de me transporter en avant, en quelque machine ou brouette avaleuse de temps ! Pourquoi ? Il ne m'est pas aisé de le traduire. Peut-être cherchais-je en demains ce qu'aujourd'hui ne m'offrait que médiocrement. On eût dit que l'époque présente ne me suffisait jamais, et qu'il me fallait embrasser, afin de parfaire cette époque, le projet et mêmement la conclusion de mon existence. J'incline à croire qu'il me fallait, pour mieux vivre, entrevoir la destination des choses, et ainsi imprimer signification à tout ce qui précédait cette conclusion, un peu à la manière de la fourmi qui rapporte en sa fourmilière la goutte de miel assurant la survie de ses sœurs insectes. M'était besoin de savoir que m'attendait quelque part une fourmilière, et que ce que j'y promettais en mon trajet lui était nécessaire. Et peut-être étais-je moi-même une sorte d'insecte rapporteur, cherchant en ce monde à se lier à sa société de semblables afin de lui fournir contribution. Quelle contribution ? Je n'avais en vérité que peu de choses à offrir, hormis la besogne de mon cœur, mon ouvrage de sentiment.

(P59)
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Par soir d'été, après avoir grillé puis avalé le bif de putois ou le gâteau de rognon, père s'établissait ci-dessous le grand hêtre auprès du feu et commençait à tisonner pensivement. Je l'y accompagnais. Levant parfois le regard, nous toisions le sommet des arbres se fondre peu à peu à la nuit. Puis les astres venaient, éclairant de leur mèche cieux et étendues, instruisant de leur boussole, peut-être, quelque marcheur égaré.

Nous restions le plus souvent, alors lippe close. Pour moi, ce n'était pas que je fusse dépourvu de choses sur lesquelles discourir. Simplement, lorsqu'il mûrissait en ma glotte, mon discours stoppait sa course et refusait d'aller plus avant, puis de fleurir sur le terrain de ma langue. Car j'étais pauvre de vocabulaire, aussi pauvre que le foin aux heures enfouies de l'été : sec et vidé de sa céréale. Aussi fus-je ressemblant, ces soirs là, au hibou en sa nuit noire, préférant le silence des ombres au bruit âpre des maigres paroles. On eût dit que j'attendais, que j'attendais d'être instruit de vocabulaire, comme si je savais déjà que le jour viendrait où les choses et le monde trouveraient en ma bouche plus amples traductions.

Qui sait ce que père, lui, devant notre feu, méditait et se retenait de dire ?

(P23)
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