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Critique de Marie-Nel


L'année dernière, je lisais pour la première fois un roman de Baptiste Beaulieu avec Toutes les histoires d'amour du monde, que j'avais beaucoup aimé. Je connaissais déjà l'auteur car je le suis sur Instagram, ses stories sont remplies d'anecdotes sur son métier, sur les gens qu'il rencontre. Il a par exemple été d'un grand soutien moral lors du premier confinement en mars 2020 où il expliquait clairement ce qu'était le coronavirus, ce que nous devions faire ou ne pas faire, et toujours le bon mot pour nous remonter le moral. Car Baptiste Beaulieu est médecin avant d'être écrivain, il a une grande sensibilité, il côtoie plein de monde chaque jour, il sait écouter, et il s'inspire des gens pour créer de beaux personnages.


Et les personnages de ce nouveau roman sont une fois de plus très beaux. Je ne vais pas revenir de trop sur le contenu de l'histoire, parce qu'il faut la découvrir comme l'a voulu l'auteur. On découvre les personnages petit à petit, au fil des pages. Ils sont deux et tout le roman va tourner autour d'eux. Eugénie D. est une femme célibataire, elle aime inventer des objets utilitaires, pour la vie de tous les jours. Elle est très renfermée sur elle-même, elle souffre de ses kilos en trop, elle souffre du regard des autres, de toutes ces phrases assassines qu'on lui a dit sur ses formes. Elle se sent très mal dans sa peau et ne côtoie personne.

Josephin est un homme aux épaules en guidon de vélo, célibataire lui aussi, il ne parle pas ou très peu. On sent chez lui un passé lourd et difficile à oublier, qui le marque encore. Il arrive à se délester de toutes ses émotions grâce à la poterie, il crée des céramiques, des pots, des vases. Les moments où il modèle la glaise sur son tour sont les seuls où il parle, où il raconte sa vie, il confie tout à ses pots. Pour lui, chaque vase, chaque pot qu'il fait détient son  histoire propre.

Ces deux personnages vont se rencontrer fortuitement sur un quai de gare. Ils ne le savent pas encore, mais ils sont voisins, ils habitent l'un en face de l'autre. Ils vont apprendre à se connaître, même si Eugénie parle plus que Josephin. Il va la faire entrer dans son monde, il va lui montrer la poterie et l'art de modeler un objet. Elle se rendra compte ainsi que Josephin parle quand il modèle, et c'est à ce moment là qu'elle en apprendra plus sur lui. Et sur nous aussi, lecteurs, on en apprendra plus sur lui, sur son passé, sur son pays de naissance, en guerre, et sur son enfance difficile. Et on n'est pas au bout de nos surprises avec ce couple.


Je me suis doutée que tout n'allait pas être si tranquille tout le long, j'avais une sensation de calme avant la tempête, et les événements qui vont arriver m'ont surprise, car je ne m'y attendais pas du tout. Et l'auteur nous annonce ça en une seule phrase, à la fin d'un chapitre, une date qui fait que l'on sait qu'un drame va arriver et que les personnages ne vont pas pouvoir en échapper. Bien sûr, je ne vous dirai rien, ce serait dommage de gâcher l'effet.

Je me suis très vite attachée à ce couple. Je me suis énormément reconnue en Eugénie. Comme elle, je suis grosse, en surpoids, comme elle, j'ai subi des remarques sur mon apparence, sur ce que je suis. Comme elle, je ne m'accepte pas et ne me regarde pas dans un miroir. Tour ce qu'elle vit, je le connais, et Baptiste Beaulieu décrit très bien ce mal-être. Et les mots sont magiques, Eugénie apprend, grâce à Josephin, à s'accepter. Les mots et paroles de Baptiste Beaulieu au travers de ses personnages, font du bien. À un moment Josephin explique que ce sont les autres qui pensent des choses pas sympa, ce n'est pas Eugénie, il ne faut pas qu'elle prenne pour argent comptant ce que pensent les autres. Et du coup, j'ai transposé ces paroles de Josephin sur mon cas, et oui, en effet, j'ai fait miennes des pensées que je n'avais pas sur moi. Il faut apprendre à s'accepter, à s'aimer comme on est et à être bienveillant envers soi. Car s'aimer permet de mieux aimer les autres.

J'ai ressenti le même attachement pour Josephin. Son histoire personnelle n'a pas autant résonné en moi, car je n'ai pas la même histoire, mais il est impossible de ne rien ressentir face à son passé, face au  souffrances qu'il a vécues. On a qu'une envie, c'est que ce couple vive heureux, qu'il s'épanouisse, que chacun se développe, comme des papillons qui sortent de leurs chrysalides et se transforment dans toute leur beauté.


Ce roman est pour moi comme un conte philosophique, je ne peux pas vous dire trop pourquoi car ça en dévoilerait trop, mais l'histoire prend une tournure à la fin qui relève pour moi du conte, avec des faits qui sortent de l'ordinaire, et qui ont des significations si fortes. L'histoire véhicule tellement de valeurs et de messages sur la confiance en soi, sur l'acceptation de soi, de l'amour de soi pour mieux aimer les autres. C'est aussi un formidable message d'espoir et de paix autour de soi, dans le monde. Et plein d'autres sur le couple, les relations au sein de ce couple, sur le passé qui influe toujours le présent. Bref, plein de messages sur la vie, qui sont universels et qui font que chaque lecteur pourra se reconnaître dans l'un ou l'autre.


La lecture a été excellente. J'ai été partagée entre deux sentiments, celui de me dépêcher de lire vite pour savoir, et en même temps de ralentir, de prendre mon temps, pour mieux déguster les mots, comme une douceur qu'on savoure. Je n'avais pas envie de quitter Eugénie et Josephin, je voulais rester avec eux encore un peu.

La lecture se faisait rapidement grâce aux faits mais aussi grâce à la construction du livre. J'ai tout de suite été surprise par les chapitres, très courts, de 2 ou 3 pages en numérique. Cela condense les faits. Les chapitres alternent entre chacun des personnages avec des chapitres avec les deux réunis. Cette alternance donne beaucoup de rythme à la lecture, quand on quitte un personnage, on a hâte de le retrouver dans un chapitre prochain. J'aime beaucoup ce genre de construction qui rend la lecture totalement addictive. Bien sûr, le style de Baptiste Beaulieu donne beaucoup de fluidité à la lecture, tout glisse tout seul, c'est beau, les phrases sont belles. Il pose des mots sur des maux…

La narration est à la troisième personne, ce n'est pas mon choix de prédilection, je suis plus sensible à un « je », qui me permet de mieux rentrer dans la peau du personnage. Mais là, je trouve ce choix de narration à la troisième personne très judicieux, car il permet de garder une certaine distance avec les personnages, et vu leur histoire, c'est appréciable de ne pas ressentir de plein fouet chaque émotion qui les traverse. L'auteur décrit tellement bien les sentiments, les sensations, que j'ai réussi à tout ressentir comme si la narration était à la première personne. Les sentiments sont exacerbés, j'ai réussi à me mettre à la place des personnages. Leur histoire est tellement forte, et l'auteur en parle tellement bien que l'on ressent tout. J'ai par exemple eu l'impression d'être à la place d'Eugénie quand elle commence à modeler la glaise, j'ai senti la terre sous mes doigts, j'ai vu le pot se former. Et cela donne envie de faire de même. La poterie fait partie de ces activités artistiques qui font que l'on oublie tout ses soucis, qui permettent de penser à autre chose. Cela peut être la poterie, la musique, le dessin, ou tout autre activité qui fait oublier le quotidien. Baptiste Beaulieu met beaucoup de poésie dans ses mots.


Je me suis régalée avec ce roman, et il m'a confirmé que c'est un auteur à continuer à suivre et à lire. J'ai bien envie de lire ses romans précédents, notamment La ballade de l'enfant gris. Les romans de Baptiste Beaulieu distraient et font réfléchir, sur nous-mêmes, sur les autres, sur la vie. On ne peut pas rester indifférent quand on lit un de ses romans. Je crois que je ne vais pas oublier de sitôt Eugénie et Josephin, j'ai d'ailleurs dû laisser reposer un peu ma lecture avant d'écrire cette chronique.

Si vous aimez les histoires denses, prenantes, touchantes, émouvantes, qui vous parlent de chacun de nous, de nos vies, ce livre est fait pour vous. Quand vous refermez ce roman, vous vous aimez plus et aimez plus les autres aussi.


Il ne me reste plus qu'à remercier Baptiste Beaulieu pour tout ce qu'il m'a fait vivre pendant ma lecture, pour ses mots qui ont pansé mes maux, je vais continuer à le suivre avec grand intérêt et plaisir.


Lien : http://marienel-lit.over-blo..
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