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Critique de Arimbo


Un livre magnifique. Sartre considérait que Simone de Beauvoir avait écrit là son plus beau livre. Un court récit exceptionnel tant par sincérité et son émotion que par sa profondeur de réflexion. Un récit dont la lecture devrait, j'en suis persuadé, apporter réconfort et réflexion à celles et ceux qui ont connu récemment la mort d'un proche, ou qui sont confrontés douloureusement à sa fin de vie.

Et pourtant, Simone de Beauvoir m'a toujours laissé une impression de femme dure et radicale, ainsi que j'ai pu la percevoir de ses entretiens télévisés, et des phrases cruelles et méprisantes qu'elle a écrites sur la production picturale de sa soeur Hélène, dite Poupette. Si j'admire son engagement féministe, je ne peux comprendre son aveuglement (ainsi que celui de Sartre) devant les méfaits des régimes communistes, soviétiques ou chinois. Et la façon qu'elle avait d'utiliser ses jeunes élèves adolescentes pour satisfaire les besoins sexuels de Sartre et les siens, évidemment ça ne colle pas bien avec son image de féministe.
De ses écrits, j'ai beaucoup apprécié l'ouvrage formidablement argumenté et toujours d'actualité le deuxième sexe, une partie de son son autobiographie Mémoires d'une jeune fille rangée, et enfin son très beau roman Les mandarins.

Mais ce court récit magistral et bouleversant de la fin de vie de sa mère, c'est autre chose.
Sur le mode du journal intime, auquel se mêle celui du documentaire et de l'essai philosophique,Simone de Beauvoir raconte, quasiment au jour le jour, comment sa mère , Françoise, à la suite d'une fracture du col du fémur occasionnée par une chute à son domicile, est hospitalisée, et que durant son hospitalisation, suite à la survenue d'une péritonite, on lui découvre une énorme tumeur de l'intestin grêle, qu'un chirurgien décide d'opérer. Personnel médical et famille (Simone,sa soeur Poupette et son gendre Lionel) lui cachent cette découverte, ce qui suscite chez l'auteure un sentiment de culpabilité et de remords.
Après une période où sa maman va mieux et compte bien se rétablir de sa « péritonite », le cancer gagne du terrain, et c'est la lente agonie, puis comme la qualifie une infirmière, « une mort très douce ».
Ce récit décrit crûment et sans concession l'état de dénuement auquel conduit la maladie, et tous les désordres du corps. Mais aussi, la solidarité entre Simone et sa soeur, leur dévouement, sa tendresse et sa compassion à l'égard de sa mère.
C'est aussi un moment de retour sur ses rapports conflictuels avec sa mère, la fille reprochant à sa mère sa morale bourgeoise, et sa religiosité, la mère à la fois impressionnée par les capacités intellectuelles de Simone, et pleine de reproches à l'égard de sa vie libertaire et sans la foi en Dieu. Durant cette période où elle est en permanence auprès de sa mère, Simone approuve son attitude qui est de préférer se battre pour la vie plutôt que se résigner à la mort, et de remettre à plus tard prières et sacrement des malades. Une paix s'installe tout doucement entre elles, dont on ne sait si c'est le chemin parcouru par Simone vers sa mère ou l'inverse.
Le récit est aussi l'occasion d'une réflexion profonde sur la condition féminine, et encore plus sur la mort. Les dernières pages du livre contiennent des phrases bouleversantes et d'une grande hauteur de propos, sur le rapport à la mort, à Dieu, et à la finitude de l'être humain.

Enfin, il y a de la part de cette femme engagée une description très critique des conditions de travail difficiles des infirmières (rien n'a changé depuis, c'est même pire) de la pression exercée par leur hiérarchie. Et aussi une analyse impitoyable du comportement sans empathie, sans humanité, de certains médecins ( pas tous heureusement, l'un d'eux se montre attentif aux attentes de sa mère). Ainsi le portrait de ce chirurgien qui paraît plus préoccupé de la « performance », de l'exploit que représente son intervention chirurgicale, bien plus que de l'intérêt de sa patiente, du réel bénéfice qu'apportera son intervention, et qui ira presque jusqu'à reprocher à celles-ci qu'elle n'ait pas réussi à tenir la suture impeccable qu'il avait faite. Et les critiques de l'auteure à l'égard de l'acharnement thérapeutique, m'ont paru tout à fait actuelles, ainsi que celles sur l'euthanasie.

Voilà. Un livre émouvant et profond, que je conseille vraiment et que je relirai sûrement.
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