Je ne tenais pas particulièrement à revoir maman avant sa mort; mais je ne supportais pas l'idée qu'elle ne me reverrait pas. Pourquoi accorder tant d'importance à un instant, puisqu'il n'y aura pas de mémoire? Il n'y aura pas non plus de réparation. J'ai compris pour mon propre compte, jusque dans la moelle de mes os, que dans les derniers moments d'un moribond on puisse enfermer l'absolu.
Et moi aussi un cancer me dévorait : le remords. « Ne la laissez pas opérer. » Et je n'avais rien empêché. Souvent, quand les malades souffraient un long martyre, je m'étais indignée de l'inertie de leurs proches : « Moi, je le tuerais. » A la première épreuve, j'avais flanché : j'avais renié ma propre morale, vaincue par la morale sociale. « Non, m'avait dit Sartre, vous avez été vaincue par la technique : et c'était fatal. »
Devant le sac de paille, rempli de pelotes de laine et d'un tricot inachevé, devant son buvard, ses ciseaux, son dé, l'émotion nous a submergées. C'est connu le pouvoir des objets : la vie s'y pétrifie, plus présente qu'en aucun de ses instants.
« Qu'on l'imagine céleste ou terrestre, l'immortalité, quand on tient à la vie, ne console pas de la mort. »
Dur travail, de mourir, quand on aime si fort la vie. (p. 122)
Elle était délivrée du ressentiment. Sa beauté, son sourire ressuscité, exprimaient un paisible accord avec elle-même et, sur ce lit d’agonie une espèce de bonheur.
oh je suis très bien avec lui (Dieu) mais je n’ai pas envie d’aller le voir tout de suite.
Je ne tenais pas particulièrement à revoir maman avant sa mort; mais je ne supportais pas l'idée qu'elle ne me reverrait pas. Pourquoi accorder tant d'importance à un instant, puisqu'il n'y aura pas de mémoire? Il n'y aura pas non plus de réparation. J'ai compris pour mon propre compte, jusque dans la moelle de mes os, que dans les derniers moments d'un moribond on puisse enfermer l'absolu.
Pourquoi accorder tant d'importance à un instant, puisqu'il n'y aura pas de mémoire.
Il n’y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive à l’homme n’est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s’il la connaît et y consent, une violence inouïe.
" Tu t'es reposée. "
Maman a soupiré: " Aujourd'hui, je n'ai pas vécu. "
Dur travail, de mourir, quand on aime si fort la vie.