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Critique de ComptoirDesConnaissances


Dès les premières pages du roman, celui-ci contient déjà un élément qui a presque totalement disparu des romans du XXe et XIXe siècle : il s'agit du pacte de lecture explicite. En effet, sans utiliser de préface, Nicolas Beck crée un pacte de lecture fictif lors d'un « message à mes lecteurs du futur » juste après le prologue. J'ai trouvé surprenant d'en lire un mais aussi judicieux dans un roman tel que celui-ci où nous ne pouvons faire confiance qu'en la parole de la narratrice concernant les péripéties. Et bien que le roman soit de la science-fiction et que l'intrigue qui s'y déroule ne soit évidemment pas vraie, ce pacte n'en reste pas moins une excellente idée pour ajouter de la profondeur à l'intrigue.

L'intrigue principale est racontée par une narratrice anonyme (nous ne connaissons que la première lettre de son prénom : E) à travers son journal intime. Nous avons droit à ses pensées presque chaque jour, en commençant par le décollage de la fusée Mars 2038. Par la suite, nous suivons les aventures des cinq astronautes envoyés sur Mars. Cependant, comme nous pouvons nous attendre d'une aventure dans l'espace qui se doit d'être minutieusement préparée pour être réaliste, elle ne peut pas contenir beaucoup d'imprévus. C'est pourquoi l'intrigue est parfois un peu lente et le lecteur peu de temps en temps s'ennuyer face à une aventure dont il prévoit aisément la suite.

Cette lenteur se retrouve dans l'agencement des péripéties. Celles-ci sont peu nombreuses dans le roman et lors de ma lecture, je les ai attendues impatiemment. Je me demandais ce qu'il pouvait se passer de mal dans un roman se déroulant dans l'espace. Je ne voulais pas que l'auteur tombe dans la simplicité, et heureusement, ce ne fut pas le cas. Cependant, bien que les péripéties ne soient pas ennuyeuses, elles sont malgré tout assez molles, avec peu de tension dramatique.

Comme il est précisé dans le résumé de quatrième de couverture, le récit se déroule à partir de l'année 2037, et se poursuit jusqu'en début 2038. C'est donc moins de vingt ans après la parution du roman, et par conséquent, cela reste un univers que nous connaissons très bien. Il y a même plusieurs références à des sociétés que nous connaissons aujourd'hui, sans parler de la NASA, je veux plutôt parler de SpaceX, une entreprise américaine spécialisée dans l'aérospatial et cachée sous le nom de SpaceM dans le roman. de même que Elon Musk est caché sous le pseudo Elon Dusk, Nicolas Beck s'est amusé à reprendre des éléments déjà présents aujourd'hui pour leur créer des avenirs possibles et les exploiter.

Concernant le lieu de l'action, il se situe principalement dans le vaisseau spatial habité par les cinq astronautes. Les quelques autres lieux auxquels nous avons accès ne sont pas réellement évoqués : nous avons la NASA, mais elle n'est présente qu'à travers les communiqués officiels, ainsi qu'une antenne radio dont nous n'avons que la transmission audio. Ainsi, le lieu de l'intrigue est unique : il s'agit de l'espace confiné dans lequel vivent les personnages principaux. Cependant, ce n'est pas pour autant que le lecteur, lui, se sent confiné dans cet espace réduit. Des graphismes nous sont fournis pour que nous puissions comprendre comment la navette est agencée, notamment avec les caméras que nous suivrons tout au long du roman. le peu de description physique, que ce soit des personnages ou du vaisseau spatial, n'est absolument pas gênant d'autant plus qu'il est justifié : étant donné que le roman est rédigé à la première personne et qu'elle écrit dans un journal, celle-ci ne va pas se mettre naturellement à décrire tout ce qu'elle voit.

Nicolas Beck ne lésine pas sur le réalisme. Il profite de ces connaissances scientifiques (et probablement de ses nombreuses recherches dans le domaine de l'aérospatial) pour nous les offrir avec un maximum de détails. Ainsi, ce roman dépeint très bien la situation des astronautes et leurs conditions de vie dans l'espace, avec entre autres le mode de recrutement des spationautes et les différentes épreuves qu'ils ont vécu pour être sélectionné dans les cinq partant pour Mars, les détails lors des différentes phases de vol et des phases de sommeil, l'exactitude de certaines informations plus générale… En bref, ce roman nous apprend des choses sur la vie dans l'espace.

Étant donné que le roman se déroule dans l'espace, nous avons très peu de personnages présentés dans ce roman. Dans les romans de fantasy, j'aime la multitude de personnages et de caractères mais dans les romans de science-fiction, en particulier celui-ci, il est souvent plus judicieux d'avoir peu de personnages mais des personnages porteurs d'un message. Dans ce roman, nous avons juste le bon nombre de personnages, qui oscille entre quatre et cinq, le nombre d'astronautes. Mais comme le roman est écrit à la première personne, les péripéties sont vues et racontées par une seule personne, et peuvent fausser la vision que le lecteur a des autres personnages puisque celle-ci est subjective.

En ce qui concerne l'antagoniste du roman, il n'y en a pas vraiment, du moins pas qui soit nommé pendant la grande majorité du récit. Nous ressentons une présence mauvaise tout au long du roman sans savoir qui se cache derrière, si c'est la NASA, si c'est quelqu'un d'autre… et cela a eu pour effet de titiller ma curiosité, en y mêlant cependant un petit peu de frustration à l'idée de ne pas tout savoir dès le début. Dans les romans de science-fiction, il n'est pas rare de ne pas avoir de réel antagoniste, ou qu'il soit représenté de façon abstraite à travers la société. Souvent, c'est l'humanité contre l'inconnu et c'est en quelque sorte ce qu'il se passe ici aussi, avec les astronautes et tous leurs supporters sur Terre contre l'inconnu que représente Mars.

Les différentes émotions qui traversent les personnages sont toutes crédibles et ont une raison d'être. Alors que dans certains romans, les auteurs forcent les sentiments des personnages pour tenter de leur donner du caractère, de la profondeur, et pour que le lecteur puisse s'identifier à eux, Nicolas Beck parvient à en faire le minimum dans ses descriptions et pourtant à me faire ressentir de nombreuses émotions. Il dépeint avec exactitude tout ce que pouvait ressentir une astronaute. J'avais même l'impression de lire un vrai journal intime écrit par un astronaute. Par ailleurs, les relations entre les cinq personnages principaux sont saines et crédibles, elles paraissent naturelles comme si en effet, ils se connaissaient depuis des années. En somme, les personnages sont doués d'une simplicité qui les rend bien plus proches de nous que de nombreux autres personnages d'autres romans.

Je pense, sans exagérer, que le plus gros point fort de ce roman est la construction de celui-ci. En effet, nous avons une intermédialité très judicieuse, avec un mélange de journal intime, de retransmission audio de radio, de fiche communiquée officielle de la NASA, de notes confidentielles, de vision de caméra, de dessins descriptifs, de pages de journal, de lecture de rêves, d'extraits de livre ou encore de simples notes isolées… Tant de médias différents qui prennent place dans ce roman et qui le magnifient. Sans eux, le livre ne serait pas ce qu'il est et c'est ce qui le rend aussi original. Je note également un très bon travail graphique de l'illustrateur Louis Diallo (différent de l'illustrateur de première de couverture). Néanmoins, j'admire le travail éditorial autour de ce livre, qui en fait une merveille artistique.

Grâce à ces nombreux points de vue, nous nous sentons vivre avec les personnages. Même lorsque nous ne savons rien d'eux, comme pour les animateurs radios dont nous ne connaissons que les prénoms, nous savons parfaitement ce qu'ils vivent grâce aux émotions qu'ils transmettent. le travail est très difficile si l'auteur veut qu'en un minimum de mots, le message soit transmis. le problème de la radio, c'est qu'elle n'utilise qu'un seul des cinq sens, l'ouïe, ainsi que les caméras qui ne peuvent capter que visuellement et auditivement la scène qui se déroule, sans pouvoir l'interpréter avec des émotions. Mais Nicolas Beck parvient parfaitement bien à rendre ces problèmes de véritables atouts pour son roman. le journal intime quant à lui permet de comprendre les réelles émotions des personnages, surtout de la narratrice. Sans son journal, nous n'aurions que la version officielle de la mission vers Mars. Ainsi, chaque média utilisé a ses propres caractéristiques et rend le roman unique.

De temps en temps, tout au long du roman, plusieurs pages de 1984 de Georges Orwell nous sont fournies, faisant écho à la situation que vivent les astronautes. Ces pages viennent parfaitement renforcer ce que vivent les personnages et leur choix est judicieux. Elles rappellent que la dystopie n'est jamais très loin, que nous vivons avec de nombreuses restrictions de liberté, notamment lorsque les travaux (ici des astronautes) sont classés secrets.

Points positifs :
– intermédialité très judicieuse
– réalisme de la condition d'astronaute
– véritable anticipation
– personnages justes

Points négatifs :
– quelques répétitions et lenteurs

Lien : https://comptoir-des-connais..
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