AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Les ficelles du métier (9)

Ne demandez pas "Pourquoi?" ; demandez "Comment?"
[...] En interviewant les gens, je me suis rendu compte que je déclenchais systématiquement chez eux une réaction de défense lorsque je leur demandais pourquoi ils faisaient telle ou telle chose. Quand je demandais à une personne pourquoi elle avait fait telle chose [...], elle avait l'impression que je lui demandais de se justifier, de trouver une raison vraiment valable pour expliquer l'action en question. Mes "Pourquoi?" recevaient systématiquement des réponses brèves, défensives et pugnaces [...].
A l'inverse, quand je leur demandais comment telle chose s'était produite [...], les personnes interrogées répondaient longuement, me racontaient des histoires pleines de détails intéressants, faisaient des récits qui mentionnaient non seulement les raisons pour lesquelles elles avaient fait telle ou telle chose, mais également les actions d'autres personnes ayant contribué au résultat auquel je m'intéressais [...].
[...] Mes "Comment?" donnaient plus de marge aux personnes interrogées ; [...] ils leur permettaient de répondre exactement comme elles voulaient [...]. Ils n'appelaient aucune "bonne réponse", n'avaient pas l'air de chercher à trouver le coupable de telle ou telle mauvaise action ou de tel ou tel résultat regrettable. Ils ne trahissaient qu'une sorte d'intérêt distant : "Tiens! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé en route pour que tu arrives si tard au travail?". Mes "Comment?" ne "téléphonaient" pas le type de réponse attendu (dans le cas du "Pourquoi?", une raison justifiée par une intention). En conséquence de quoi ils invitaient les gens à inclure dans leur réponse ce qu'ils estimaient être important pour l'histoire, que j'y eusse pensé de mon côté ou non. (p. 105-107)
Commenter  J’apprécie          80
Cela fait des années que je possède un exemplaire des "Philosophical Investigations" [de Wittgenstein], mais je lis ce livre comme Everett Hughes m'avait conseillé de lire les ouvrages de Georg Simmel, c'est-à-dire sans chercher à avoir une compréhension totale de ce que l'auteur a pu vouloir dire, mais plutôt comme une manière de susciter des idées utilisables pour mes propres recherches et réflexions. (p. 223)
Commenter  J’apprécie          70
Un des plus grands obstacles à la production de descriptions et d'analyses correctes des phénomènes sociaux découle du fait que nous pensons connaître par avance la plupart des réponses. Nous considérons beaucoup de choses comme allant de soi parce que nous sommes nous aussi, après tout, des membres adultes et compétents de notre société, et que nous savons ce que tout adulte compétent sait. Nous avons, comme on dit, du "sens commun". Nous savons par exemple que les écoles servent à éduquer les enfants et que les hôpitaux servent à soigner les malades. "Tout le monde" sait ça. On ne remet pas en question ce que tout le monde sait ; ce serait stupide. Mais comme notre objet d'étude est précisément ce que tout le monde sait, nous devons le remettre en question, ou tout au moins suspendre tout jugement à son sujet, et aller voir par nous-mêmes ce que font les écoles et les hôpitaux, plutôt que d'accepter d'emblée les réponses conventionnelles. (p. 142)
Commenter  J’apprécie          70
Lorsqu'il interviewait les membres d'une organisation, [Everett Hughes] leur demandait, avec son air du Midwest le plus innocent : "Vous trouvez que les choses sont mieux ou moins bien qu'avant par ici?" C'est une question géniale : presque tout le monde a quelque chose à y répondre, elle fait sortir les problèmes saillants de l'organisation et elle ne préjuge de rien - ni des choses qui pourraient être mieux ou moins bien qu'avant, ni de ce que l'on entend exactement par mieux ou moins bien. (p. 155)
Commenter  J’apprécie          70
Considérez que ce que vous étudiez n'est pas le résultat de causes, mais le résultat d'une histoire, d'un récit, de quelque chose comme "d'abord ceci s'est produit, puis cela, puis cela encore, et c'est comme ça qu'on en est arrivé là". Cette approche nous fait comprendre l'apparition d'un phénomène en nous montrant les étapes du PROCESSUS qui l'ont engendré, plutôt qu'en nous montrant les conditions qui en ont rendu l'apparition nécessaire.
Mais on ne cherche pas à élaborer des histoires spécifiques du genre de celles que les romanciers et les historiens élaborent. On ne s'intéresse pas aux spécificités qui distingueraient notre histoire de toutes les autres. On cherche au contraire à élaborer des histoires typiques, des histoires qui fonctionnent à peu près de la même manière à chaque fois qu'elles se produisent. On ne cherche pas les effets invariants des causes, mais des histoires où toutes les étapes répondent à une logique, une logique qui peut parfois se révéler aussi implacable que la logique des causes. De ce point de vue, les événements ne sont causés par rien d'autre que l'histoire qui les a conduits à être ce qu'ils sont.
[...] Il ne s'agit pas ici d'une simple question de vocabulaire qui consisterait à substituer le terme de "processus" à celui de "cause". Cette approche implique véritablement une méthode de travail différente. Vous voulez comprendre comment un couple se sépare? Ne cherchez pas [...] les facteurs qui [...] différencient les couples qui se séparent de ceux qui restent ensemble. Intéressez-vous plutôt, comme Dianne Vaughan à l'histoire de la rupture, à toutes les étapes de ce processus, à la manière dont ces étapes sont liées entre elles, à la manière dont chacune crée les conditions propices ou nécessaires à la suivante - bref, essayez de fournir "la description en termes conceptuels des processus au cours desquels les événements se produisent". L'explication de la rupture réside en ce que le couple est passé par toutes ces étapes, non en ce que ses deux membres étaient tel ou tel type de personnes.
[...] On constate de manière empirique que des gens de toutes sortes passent par toutes ces étapes et qu'il ne semble pas exister de type particulier de personne susceptible de le faire, ni de situation spécifique qui pousserait les participants à le faire. [...] Ce processus [de séparation] est le même, que le couple soit marié ou non, hétéro ou homo, de classe populaire ou de classe moyenne [...].
Les histoires de processus n'ont pas de but prédéterminé. Elles peuvent avoir plusieurs fins possibles [...], dont certaines ne produisent pas le phénomène que nous voulions expliquer. Le couple, par exemple, peut finalement ne pas se séparer. A mesure que l'histoire se déroule, vous voyez apparaître tel ou tel facteur contextuel ou tel ou tel ensemble de circonstances qui rendent probable que l'histoire continuera à se dérouler sur un mode qui mène à la rupture. Mais cette issue n'est pas certaine. La seule chose certaine, c'est que les histoires qui aboutissent à une rupture empruntent toutes ce chemin. (p. 109-111)
Commenter  J’apprécie          70
Il n'y a fondamentalement rien de mauvais dans les schémas de base de la pensée sociologique. Le problème, c'est que les sociologues ne les utilisent pas lorsqu'ils le devraient. Ils se créent leurs plus gros problèmes, et font leurs plus grosses erreurs, lorsqu'ils oublient la manière dont ils sont censés faire les choses. Et ils l'oublient parce qu'un engagement politique ou une inclination de tempérament les pousse à considérer le problème de manière étroite et à oublier toute l'étendue des possibilités que leurs théories fondamentales pourraient leur montrer s'ils y étaient attentifs [...].
[...] Exemple : les théories de la déviance. La soi-disant révolution de la "théorie de l'étiquetage" n'aurait jamais dû être nécessaire. Ce n'était ni une révolution intellectuelle, ni une révolution scientifique [...]. Aucun paradigme fondamental de la sociologie ne fut renversé. La "définition de la situation" [...] exige, par exemple, que nous comprenions la manière dont les acteurs voient la situation dans laquelle ils sont impliqués, et que nous découvrions comment ils définissent eux-mêmes ce qui est en train de se passer, afin de comprendre ce qui entre en jeu dans la production de leurs activités. Si les criminologues et les autres professionnels qui ont étudié ce qui allait plus tard recevoir le nom de "déviance" avaient fait cela, ils se seraient régulièrement enquis du point de vue des criminels, au de lieu de présupposer que les criminels ont des troubles de la personnalité ou qu'ils sont issus de milieux pathogènes. Ils auraient alors compris qu'il fallait qu'ils s'interrogent sur le mode d'action des forces de l'ordre au lieu de le considérer comme allant de soi.
La théorie de l'étiquetage n'a pas été une révolution, mais bien plutôt une contre-révolution, un retour conservateur à un courant de la pensée sociologique de base qui, d'une manière ou d'une autre, s'était perdu dans la pratique de cette discipline. (p. 73-76)
Commenter  J’apprécie          70
Les sciences idiographiques et les sciences nomothétiques se distinguent en ce que les premières traitent de cas particuliers pour en déduire des propositions générales, et les secondes visent à établir des lois générales dont on peut déduire des cas particuliers. (p. 199)
Commenter  J’apprécie          40
Doutez de tout ce qu'une personne de pouvoir peut vous dire. En public, les institutions se présentent systématiquement sous leur meilleur jour. Comptables de leurs actes et de leur réputation, les personnes qui les gèrent ont toujours tendance à mentir un peu, à arrondir les angles, à cacher les problèmes, voire à nier leur existence. Ce qu'elles disent peut être vrai, mais l'organisation sociale leur donne toutes les raisons de mentir. (p. 154)
Commenter  J’apprécie          00
"Ça a déjà été fait" reste [...] une expression que l'on entend très souvent, notamment lorsqu'on est étudiant et que l'on cherche un sujet de thèse. "Ce serait stupide d'étudier ça, Dupont vient juste de publier un article sur la question." Ce genre de remarque repose sur une grave erreur : celle qui consiste à croire que les choses qui portent le même nom sont toutes identiques. Or ce n'est pas le cas, tout au moins pas de manière évidente, de sorte qu'"étudier la même chose" consiste en fait souvent à ne pas étudier du tout la même chose, mais juste une chose que les gens ont décidé d'appeler du même nom. (p. 152)
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (48) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Philosophes au cinéma

    Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

    Ludwig Wittgenstein
    Stephen Zweig
    Martin Heidegger

    8 questions
    159 lecteurs ont répondu
    Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}