Vous avez une mission

La précarité est un mot que nous entendons de plus en plus dans notre société. L'intérim est un vrai symbole. A travers son témoignage, Phil Becker montre aussi le mépris des responsables et parfois des salariés. La plupart du temps, il y a un vrai besoin de masse salariale mais les têtes pensantes préfèrent miser sur du turn-over plus récurrent. L'auteur partage son vécu mais c'était avant la révolution internet, ce qui date un peu maintenant. le temps où tu allais souvent dans les agences d'intérim afin que l'on te donne une mission. Il fallait convaincre que vous pouviez faire l'affaire. Eux avaient plus de demandes que de missions et choisissaient ceux avec le meilleur feeling. Maintenant des petits robots font les premières sélections, l'intérim a un nouveau visage. Est-ce la précarité est différente? La diversité est normalement plus inclusive. On passe un bon moment en tournant les pages avec la description de plusieurs missions. Est-ce que l'on devrait rire au final face à cette misère, à cette manipulation des gens? le système est bien rôdé alors peut-on le changer? Et surtout doit-on le changer? Il faudrait éventuellement trouver un autre témoignage avec l'outil numérique pour savoir si les choses ont changé. Phil Becker souligne que tout le monde ne veut pas forcément un travail fixe. Changer c'est aussi une forme de liberté. 
Lien : https://wp.me/p1F6Dp-9Nm

Ce livre enchaine 16 chapitres (+3 bonus) qui chacun reprend en quelques pages les différentes missions d'intérim de l'auteur.
Ce dernier ne parle que de ses missions : aucune digression sur sa vie personnelle (sauf qu'il est "plus ou moins" étudiant) ou sur une quelconque opinion politique. L'écriture est fluide, sympathique et le ton est badin et même presque distant au regard des situations.
Aussi, j'ai lu les premiers chapitres sans déplaisir mais sans une envie particulière.... Et puis, je me suis pris au jeu de ce livre , j'ai finalement enfilé avec délectation les chapitres curieux de connaître la prochaine mission de cet intérimaire ... parce que c'est finalement extraordinaire.
Il nous fait découvrir un monde du travail parfois effroyable (des missions peu ragoutantes), cynique (ça magouille un peu du côté des employeurs et des employés), impersonnel ( solidaire éphémerement de ses camarades de galère ,).... Bref, sur ce ton léger, amusant et dépolitisé, le tour de force de l'auteur est finalement de nous permettre d'aller plus loin dans notre propre réflexion et conscience.
J'ajoute que le livre est joliment illustré (par Benoît Rouault) de dessins cartoonesques à la fin de chaque chapitre et que j'ai eu le plaisir de le lire dans le cadre de Masse critique.

Etudiant en droit en pointillés, le narrateur nous parle de plusieurs de ses missions comme intérimaire. Si on peut en imaginer certaines (à la Poste, dans un parking, sur des chaînes de montage), d'autres nous ouvrent les portes d'un monde méconnu dans lequel on récupère les fruits et légumes avariés, où on essaie de dépoussiérer les gravières et nettoyer les centre de tri des déchets, où on casse certains produits invendables pour faire croire à l'action d'une tempête et faire marcher l'assurance. Dans ce monde, le temporaire est un pion qui exécute sans rien dire ce qui ne peut pas être confié aux autres travailleurs et qui se demande parfois ce qu'il fait là tant certaines tâches sont absurdes et sans valeur ajoutée. Il y a aussi les rencontres avec les autres intérimaires, devenus ses seuls vrais collègues (les relations avec les employés fixes sont plus compliquées) qu'il croise, parfois durant un seul jour, au fil des missions.
Il y avait là matière à développer beaucoup de pistes.
J'ai regretté que le texte n'aborde rien vraiment plus à fond, j'ai trouvé dommage qu'il y ait parfois trop de détails sur les tâches à accomplir et que l'auteur parle très peu du chemin de vie de ces travailleurs éternellement précaires qu'il a connus et qui n'ont jamais droit à la parole. En parcourant le texte, on oublie souvent que l'auteur poursuit ses études universitaires en parallèle, on ne sait pas trop comment il a concilié la rencontre dans sa propre vie de deux mondes qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre.
L'écriture est légère, concise, plus journalistique que romanesque; la narration est envolée, souvent drôle, le côté absurde des situations est bien mis en avant et est appuyé par des illustrations (dont personnellement je n'ai aimé le style).
Les mini textes des post-it collés sur le frigo résument particulièrement bien l'état dans lequel se trouve un travailleur temporaire lessivé qui n'arrive plus à penser en rentrant chez lui (par ex. "Note sur le frigo...S'acheter une cercleuse pour s'entraîner à la maison ?).

"Vous avez une mission" est un roman témoignage de Phil Becher.
Le narrateur raconte comment il a commencé à faire de l'intérim pour payer ses études de droit. Il accepte quelques missions pendant les vacances et finalement finit par ne plus faire que ça. Il explique le fonctionnement des agences, les conditions inhumaines du travail : nettoyer un incinérateur, faire le tri sélectif à la chaine, inventaire... ou le côté totalement loufoque de certaines missions : nettoyer une carrière, démembrer des palettes de fruits pourris pour les remonter, jockey sur un parc automobile...
Avec la crise de 2008, les missions se raréfient et il finit par se faire embaucher comme pigiste dans un journal où il propose son article à épisode "Les dix commandements de la précarité", précurseur de ce livre.
A la fin du livre, on trouve aussi le point de vue de trois assistantes d'agence qui placent les intérimaires.
Ayant personnellement fait quelques missions de travail temporaire pendant mes études, j'ai souri à plusieurs reprises en me remémorant certaines situations ubuesques. Un petit reproche, il s'agit plus d'une écriture journalistique qui dépeint les travers de notre société que d'une écriture littéraire.

Ce livre m'a été offert dans le cadre d'une opération masse critique. L'auteur, un étudiant en droit, nous narre ses (més)aventures dans le monde de l'intérim. Les descriptions de ses diverses missions se succèdent à un rythme d'enfer (quelques pages tout au plus pour chacune d'elles), rendant bien, je trouve, l'idée de leur aspect éphémère. Il aborde chaque nouvelle mission avec un oeil de candide, partageant avec nous les surprises qui l'attendent chaque nouveau premier jour, ce qui crée immanquablement des comiques de situation. Par ailleurs, les situations cocasses ne manquent pas, et le livre fourmille d'informations dont on n'a pas forcément connaissance. Saviez-vous par exemple qu'il existe un centre de secours de la Poste au sein duquel ne se trouvent que des intérimaires et dont la mission est d'assurer le tri du courrier lorsque les employés des autres centres de tri sont en grève ? En résumé, ce livre m'a bien fait rire et je le recommande chaudement.

Nous avons (presque) tous dans notre entourage quelqu'un qui , à un moment donné , a "travaillé en intérim" et on peut être certain que cette personne a des anecdotes à raconter (ex: mon mari qui a chopé la pire pneumopathie de sa vie après avoir nettoyé des conteneurs venant d'Asie, mon frère qui rentrait moitié saoul après avoir récuré des cuves dans des vignobles, un couple d'amis qui s'est rencontré dans un entrepôt où les boîtes pour chats explosaient comme des bombes chimiques sous l'effet de la chaleur estivale, etc etc... ). C'est toujours tout à la fois amusant (inattendu/cocasse ...) et terrifiant (conditions de travail ... ) d'entendre ces anecdotes ...

Phil Becker partage ici son expérience de "travailleur intérimaire". On traverse avec lui cette période dure et loufoque ... C'est horrible à dire ( "horrible" car on ne peut pas souhaiter à quelqu'un de continuer de travailler dans ces conditions ...) mais on regrette presque que le livre se termine tant cette succession d'anecdotes devient presque addictive...

Certains pourront regretter qu'il n'y ait pas d'histoires annexes et/ou d'analyse critique de ce qui a été vécu, etc ... C'est un recueil d'anecdotes, point. Mais pour ma part justement j'ai apprécié que ce ne soit "que cela" (de plus il me semble que rien que le fait de montrer ce qui a été vécu permet au lecteur de faire cheminer sa propre réflexion quant à "cette facette" du monde du travail en France.)

J'ai apprécié également les dernières pages où des employées d'agences d'intérim partagent leur point de vue qui n'est pas forcément plus reluisant ...

Les illustrations (et la couverture , ah! ) sont bienvenues :)

Ce partage d'expérience est nécessaire, j'aurais presque envie de dire que tout le monde devrait lire ou écouter des travailleurs intérimaires parler de ce qu'ils vivent , de la façon dont ils sont traités/considérés, des conditions de travail trop souvent scandaleuses ...partager pour faire exister ce monde là , montrer ce qui est caché, faire évoluer dans le bon sens (espérons ...).

Je remercie sincèrement les éditions Sol Y Lune et le site Babelio de m'avoir permis de recevoir ce roman dans le cadre de l'Opération Masse Critique .