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Citations sur Fleur de cimetière (42)

Frosty était assis à mes pieds, la tête basse. Vaincu. Le frigo s’est mis en marche avec un bourdonnement sourd avant de se taire. J’ai haussé les épaules.

“Tu dis tout le temps qu’il faut qu’on passe à autre chose, non ? Qu’on tourne la page.”

Elle a acquiescé, un peu hésitante. Ces dernières années, le visage d’Abby trahissait rarement l’incertitude. Son engagement auprès de l’église lui donnait un air assuré, comme si elle ne doutait jamais de rien. Sauf de moi. Je savais qu’elle nourrissait des doutes à mon sujet. En dernier recours, j’avais décidé de sacrifier le chien – un gage de bonne volonté. Mais je n’avais pas pensé qu’elle me laisserait aller jusqu’au bout. J’avais cru que lorsqu’elle verrait Frosty en laisse, prêt à partir pour la fourrière, elle m’arrêterait.
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Debout à la porte de la cuisine, Abby, les cheveux tirés en queue de cheval, m’observait avec de grands yeux. Elle était pieds nus, et portait une jupe noire et un chemisier à rayures, même si on était samedi : elle qui avait l’habitude des tenues décontractées le week-end s’habillait désormais de la même façon tous les jours, apprêtée comme pour partir à l’église – ce qui était souvent le cas.

“Rien, ai-je répondu.

— J’ai cru que le chien avait aboyé.

— Oui. Je l’ai frappé.”

Elle a plissé les yeux.

“Je m’en débarrasse. Je l’emmène à la fourrière.

— Oh, a-t-elle dit, portant une main à sa poitrine.

— Ce n’est pas ce que tu voulais ? Ça fait presque un an que tu m’en rebats les oreilles.

— C’est vrai. Mais je croyais que tu n’étais pas d’accord.”
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Le chien avait compris qu’il ne reviendrait pas.
Lorsque j’ai agité sa laisse en m’approchant de la porte, Frosty ne m’a pas suivi. Au lieu d’accourir immédiatement à ce bruit comme d’habitude, griffes cliquetant sur le parquet, il s’est détourné, la tête baissée, le regard fuyant. Je l’ai appelé, mais il m’a ignoré. Alors je me suis avancé vers lui.
Frosty était un gros chien, un labrador jaune sable, doux, affectueux, et assez intelligent pour déceler quelque chose d’inhabituel dans ma voix, quelque chose qui lui disait que cette promenade ne serait pas ordinaire.
Quand j’ai essayé d’attraper son collier, Frosty a rentré la tête dans les épaules pour m’empêcher d’attacher la laisse. De près, je sentais l’odeur pénétrante de son pelage, son souffle chaud sur ma main.
“Frosty, arrête.”
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Tous les parents finissent un jour ou l’autre par se rendre compte que certains aspects de leurs enfants leur resteront à jamais cachés. Peut-être l’ai-je découvert plus tôt que d’autres. Pour une raison que j’ignore, les profondeurs insondables de Caitlin ont formé un trou noir au centre de mon être ; et lorsqu’elle a disparu, six ans plus tard, j’ai souvent repensé à ce moment.
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Je ne me suis pas mis en colère, ne l’ai pas envoyée dans sa chambre, ne lui ai pas donné une leçon de morale sur l’importance de dire la vérité. Je me suis contenté de me lever de table pour aller remplir son assiette, puis je suis revenu la déposer devant elle. Assis tous les deux dans la cuisine à la lumière déclinante du soleil, nous avons mangé nos hamburgers frites comme une belle petite famille américaine. Tout en mâchant notre nourriture, nous avons discuté des amis de Caitlin et de l’heure à laquelle sa mère allait rentrer. Nous n’avons plus jamais évoqué cet événement ni l’accident mortel qui avait failli se produire.

Et je n’en ai jamais parlé à Abby.
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“On mange ?

— Pas tout de suite. Caitlin, ma puce, j’ai une question à te poser.

— Quoi ?”

J’ai pris une profonde inspiration. “Est-ce que tu as traversé la rue quand tu jouais dehors ? Est-ce que tu as traversé sans permission ?”

Elle n’a pas rougi, cillé ni dégluti. “Non, papa.

— Tu es sûre, ma puce ? Tu es sûre que je ne t’ai pas vue traverser ?”

D’une voix calme, elle a répondu : “J’en suis sûre, papa.”

J’ai tordu la serviette en papier que je tenais entre les doigts, puis l’ai lâchée sur la table. Caitlin n’a pas eu l’air de le remarquer. Elle me regardait bien en face, avec de grands yeux innocents. Tout à fait candide.

J’ai insisté. “Donc tu n’as pas failli te faire renverser par une voiture en traversant la rue ? Je t’ai vue, ma chérie. Je te surveillais depuis le jardin.”

Son visage a changé légèrement de couleur. Ses joues se sont empourprées, et même si Caitlin n’était pas une pleurnicharde, je me suis dit qu’elle allait peut-être craquer, prise en flagrant délit de mensonge. Mais elle n’a pas cédé. Elle a gardé contenance, une vraie petite joueuse de poker de six ans.

“Non, papa. Je n’ai pas traversé.”
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Qu’aurais-je dû faire ? Les forcer à s’arrêter pour leur hurler dessus ? Tirer l’homme de la voiture et le bourrer de coups de poing ? La vérité, c’était que Caitlin s’était jetée devant eux, et que s’ils l’avaient percutée ou écrasée, je n’aurais pas pu les tenir pour responsables de l’accident. Ma fille s’était montrée imprudente, terriblement imprudente ; mais surtout, elle avait désobéi. Et moi aussi, j’avais été imprudent. Je l’avais laissée partir trop facilement, sans réfléchir. En tant que parent, j’avais ma part de responsabilité.
Je suis retourné dans la maison, où planait une épaisse odeur de viande frite, et j’ai attendu le retour de Caitlin.
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Après un temps d’arrêt, la voiture est repartie. Elle a longé la rue lentement, passant juste devant moi. Un couple qui devait avoir mon âge occupait les sièges avant ; l’homme conduisait. Sa femme, ou sa petite amie, agitait frénétiquement les bras, l’air furieux, lui reprochant sans doute son imprudence. L’homme levait la main droite en un geste apaisant, comme pour lui demander de se calmer, de le laisser s’expliquer. Ils ne m’ont même pas remarqué.
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Mais Caitlin n’a pas hésité. Avec un bref coup d’œil à la voiture, pourtant toute proche, elle a continué de traverser la rue, pénétré dans un jardin et disparu à l’arrière d’une maison comme si de rien n’était. Je suis resté cloué sur place, comme pétrifié, la bouche figée en un cri qui n’est jamais sorti.
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Le véhicule a tourné dans notre rue, plus vite qu’il n’aurait dû, et son pare-chocs a envahi mon champ de vision, surgissant derrière Caitlin comme une mâchoire d’acier béante.

Mon cœur a cessé de battre.

Je me suis figé et, pendant une éternité, le temps s’est suspendu.

Puis le conducteur a écrasé les freins et pilé à quelques pas de mon enfant.

À deux doigts de la broyer.
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