Citations sur Paranoïa, tome 2 : Miroir (29)
Un beau jour, Alwyn, tu la rencontreras. Celle qui bouleversera tant ton univers que plus rien ne comptera à tes yeux, que rien ne méritera plus ton attention qu'elle, elle et elle seule. Ce jour-là, mon frère, tu sauras pourquoi il m'aura été impossible de supporter une vie entière sans elle à mes côtés. Tu sauras qu'elle est ton oxygène, et tu auras la certitude absolue que, sans elle, il t'est impossible de survivre. Ce sera plus fort que toi, comme ça a été plus fort que moi.
En quelques heures, elle avait changé celui qu'il était, elle avait bousculé ses convictions. Tandis qu'il s'en retournait vers la forêt, il se demanda si le principe selon lequel la solitude épargne mille souffrance était aussi fiable qu'il l'avait cru jusqu'à présent.
Lorsque son nom remonta à la surface depuis le tréfonds de ma mémoire, il fut immédiatement accompagné de larmes.
Aseptisé. C’est le premier mot qui me vint quand je me concentrai sur les odeurs environnantes. Ça sentait le propre, le trop propre, même. La Javel, un peu. Le désinfectant, beaucoup. La Betadine. Le plastique, aussi. Et puis la bouffe toute prête et ses relents écœurants, qui me parvenaient de plus loin. Il n’y avait pas de courant d’air, mais ces odeurs, je les reconnus sans difficulté, elles caractérisaient les hôpitaux, et j’y avais passé un certain temps, dans les hôpitaux, récemment.
Ce fut l’infect goût du sang qui me réveilla.
La chose sortit complètement de son enveloppe et grimpa en une seconde jusqu’à ma gorge. Après m’avoir lancé un regard complice que je ne compris pas, elle mit ses affreuses mains de part et d’autre de ma trachée et serra. Elle m’étranglait.
La main saisit soudain le bord fendu de l’enveloppe, et les phalanges diaphanes d’une seconde apparurent pour saisir l’autre côté. La chose essayait de sortir de son œuf. Elle forçait ; je voyais la peau recouvrant ses articulations prendre une couleur plus blême encore à chacun de ses efforts, faisant même éclater quelques veines à sa surface, libérant du sang.
C’est alors qu’une image cauchemardesque s’imposa à moi. La membrane se fendit en son centre, libérant un liquide translucide. Une forme effilée en sortit lentement. Je ne compris pas tout de suite ce que c’était, mais, quand cela s’anima, le doute s’évanouit. C’était une main. Une effroyable petite main maigrelette, à la peau blafarde, presque jaune. Ses doigts étaient fripés, ses ongles transparents. Cette image m’inspira du dégoût et de l’effroi. Mais même mon esprit s’était paralysé, je ne pouvais pas revenir sur mes pas, regagner l’espace rassurant de mon crâne.
Je pris un peu d’élan et m’aventurai à laisser mon esprit pénétrer l’objet. Mais je ne pus que m’y cogner et fus projetée à plusieurs centimètres, tant la solidité et la résistance de la chose étaient denses. Je n’avais pas percé l’enveloppe. De toute évidence, cette 15chose, bien que cachée en moi, ne faisait pas partie de mon corps et me résistait.
Improvisant une expédition de reconnaissance, je fis le tour de la membrane qui se trouvait être une sphère, dont je ne pouvais distinguer que la partie supérieure. Je tentai de m’approcher, toujours consternée par le rythme endiablé, si différent du mien. Cette chose était comme indépendante, comme si elle se suffisait à elle-même mais profitait de mes entrailles pour se développer en sécurité.