AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Gepeoh


Mr. Artur Sammler, confident des excentriques new-yorkais ; vicaire de fous et géniteur d'une folle ; chef d'une clinique d'aliénés.

Après l'apprentissage de l'adolescent Augie March, après la perdition bavarde et conjuratrice des pensées dix-neuvièmistes de Moishe Herzog, Saul Bellow lâche un autre Bildungsroman à tendance picaresque. le Picaro en question est un vieux Juif de plus de soixante-dix ans, Artur Sammler.

Polonais rescapé de la Shoah (après avoir creusé sa propre tombe et s'être miraculeusement échappé du tas de cadavre incluant sa femme - son ex-femme, forcément), Mr Sammler est un intellectuel New-Yorkais qui se pose un certains nombre de questions à la fin des années 1960. Sur le programme Apollo 11, sur sa nièce qui s'habille comme une salope, sur un pickpocket noir aux allures de prince qui assoit sa domination en exhibant son schlong, sur sa fille mythomane, pas très maligne et kleptomane.
Il essaie régulièrement de visiter son neveu Elya, médecin, très légèrement plus jeune que lui, qui se meurt à l'hôpital. Ce dernier loge Mr Sammler, sa fille et la fille de Sammler, qui vivent ensemble dans un vieil appartement de Manhattan. Il semblerait que tout le monde en veuille à son argent caché dans sa maison de New Rochelle. Voilà pour le high-concept.

Seulement, si on s'en tient à la définition du juif selon Isaac Bashevis Singer, Mr Sammler est du genre à ne pas arriver à dormir et à empêcher tous le monde de dormir.
Or, tout le monde adore Mr Sammler. C'est un sage. Il a bien connu H.G. Wells, le Bloomsbury Club, a voyagé en Israël (tout en en gardant un goût amer)...

Pourquoi tout le monde l'aime, il ne le sait pas. Il se fait juge des temps modernes, de la peur panique du sublime qui a engendré une génération de dépravés, drogués, voleurs, étudiants irrespectueux qui se laissent pousser les pattes, exaltent une forme de néo-virilisme... Une forme de jeunisme décadent que ne cherche pas à comprendre Sammler. Il sait ce qu'il ne va pas. Il y pense beaucoup. Il digresse en permanence.

Moïshe Herzog (Herzog, publié en 1964, son magnum opus), en pleine déliquescence morale, se demandait pourquoi vivre, en interrogeant les grands de se monde dans des lettres qu'il n'envoyait pas (et pour cause, un grand nombre de destinataires étaient morts : Spinoza, JFK, Nieztsche), et finissait par ne plus rien avoir à dire, épuisé.
Pour Artur Sammler, la question est Comment mourir ? La situation de son neveu le préoccupe par procuration. Il est plus âgé que lui. Sammler, lui, a survécu à la machine de mort la plus impitoyable du XXe siècle. Peut-être est-ce pour ça que tout le monde le respecte, derrière sa dégaine de juif errant. Comment mourir ? ou comment finir sa vie, en fait. Accepter le monde tel qu'il est devenu ? Accepter d'être un excentrique, ne pas juger ses nièces, neveux, sa fille, les amis de son neveu, les étudiants qui le huent lors d'une conférence ; on n'en saura guère plus. Vous n'en saurez guère plus.

Moins prodigieux que Herzog, moins drôle aussi, malgré quelques formulations bien senties. Un peu un roman de vieux con très gentil, mais qui valait la peine d'être lu à l'époque de sa publication (1970). Aujourd'hui, après la remise en place du lecteur dans le contexte, ça reste un très bon roman, ce qui est déjà beaucoup, même pour Bellow
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}