J'ai vite fermé les volets, la porte, et je me suis assise une dernière fois sur le perron, pour emporter à Paris une image des montagnes, gravée sur ma rétine.
Les herbes sèches, les feuilles d'automne rugissaient d'un jaune mordoré.
Dans le ciel, sur le sommet des crêtes et sur les pentes encore nimbées de nuit, l'azur n'avait pas d'adversaire à sa taille, mais dans la vallée, sur les replats les plus exposés, où dormaient quelques maisons isolées, c'était cet or pur qui triomphait.
La vue, dégagée malgré la végétation désordonnée, portait loin. L'air d'automne était sec, le bleu se battait avec le doré des châtaigniers.
C'est toi qui m'a dit ça un jour, Jacques : depuis cette porte, on prend les Cévennes en plein coeur.
Je me suis retournée, j'ai vu les montagnes et j'ai eu le souffle coupé à nouveau.
Je pourrais dire que la maison a pris la parole en premier, qu'elle m'a raconté, ce matin-là, sa solitude insupportable, ses petits maux et ses grandes douleurs. Je l'ai écoutée gémir, subjuguée, interdite.
Il régnait ce matin-là, comme à l'accoutumée, ce mélange délicat d'opposés climatiques qui caractérisent la région. Cette douceur maritime régulièrement assassinée d'une lame de froid montagnard, dès que les rayons du soleil disparaissent derrière le mur contre lequel vous marchez.
J'ai été surprise par la beauté du village : à flanc de colline, sur un plateau verdoyant, avec un château dans le fond de la vallée.
Le Rhône était grand comme la mer, presque à hauteur de la route, un long fleuve étale, d'un beau bleu pâle.