Citations sur Saint Jacques (72)
Ce sont aussi les hommes qui nous font mères, Paloma. L’amour des hommes, leur fierté. Ce n’est pas parce qu’ils changent un couche qu’ils sont papas.
Ce sont les hommes qui nous font femmes, Paloma. Nous avons besoin de leur amour pour croître, pour nous sentir merveilleuses, pour exister.
J’appelais chacun de mes patients par son prénom. J’ai toujours détesté cette habitude de certains collègues de traiter les gens de « Mamie » ou de « Grand-Pere » dès qu’ils avaient dépassé un certain âge. Mamie. Ridicule, puisqu’on ne sait jamais si les gens ont des petits enfants.
Encore une fois, je sais que je suis la seule coupable, Paloma, mais chaque jour de ma vie tu es venue me rappeler ma faute. D’un petit délit, tu as fait un crime, et tu m’as condamnée à ne jamais oublier.
Tu es ma peine capitale.
Comment aurais-je pu dire au revoir à un garçon dont je ne connaissais rien, même pas le prénom. Je fuyais avec ma culpabilité : j’avais menti pas omission. Omission des caresses, des baisers, de la séduction. Je ne percevais en moi que le vide prodigieux de l’insuffisance du désir, la carence de l’envie, l’absence de l’amour.
Je pourrais dire que la maison a pris la parole en premier, qu’elle m’a raconté, ce matin-là, sa solitude insupportable, ses petits maux et ses grandes douleurs. Je l’ai écoutée gémir, subjuguée, interdite. Je ne m’attendais à rien de semblable.
- tu penses que les hommes ne pleurent pas, Rose ?
- si, bien-sûr, et bien plus que nous. Mais ils s étouffent de chagrin et se consument d’ un seul coup. Il leur faudra encore quelques siècles avant qu’ils ne s’autorisent à gémir, à hurler, à crier leur détresse à la face du vent et du monde. Nous, nos mères nous ont appris qu’il faut pleurer pour que la douleur s’échappe et aille brûler ailleurs, au lieu de nous rôtir les entrailles.
Ce matin là, et comme chaque fois que c'était important, Rose a chuchoté sans plus attendre :
"Je voudrais que tu m'accompagnes au cimetière ajourd'hui. Trouveras-tu une petite heure dans ta journée ?
"Bien sûr Rose, ou peut-être pourrais-je demander à saint Jacques d'aller avec toi, il ira voir un peu ses parents par la même occasion.
"Ah non ! C'est avec toi que je veux y aller. Voir les morts me fait souvent pleurer. Je ne voudrais pas me donner en spectacle devant un homme.
"Tu penses que les hommes ne pleurent pas, Rose ?"
"Si, bien sûr, et bien plus que nous. Mais ils s'étouffent de chagrin et se consument d'un seul coup. Il leur faudra encore quelques siècles avant qu'ils s'autorisent à gémir, à hurler, à crier leur détresse à la face du vent et du monde. Nous, nos mères nous ont appris qu'il faut pleurer pour que la douleur s'échappe et aille brûler ailleurs, au lieu de nous rôtir les entrailles."
Il était difficile d’accéder à la porte d’entrée, le chemin n’existait plus, envahi par les ronces, les genêts qui avaient pris possession des lieux. J’ai fini par discerner dans ce chaos de végétation une sente à peine perceptible, tracée par des animaux et j’ai pu grimper sur le perron par un simulacre d’escalier. Je me suis retournée, j’ai vu les montagnes et j’en ai eu le souffle coupé à nouveau. C’est toi qui m’as dit ça Jacques ; depuis cette porte, on prend les Cévennes en plein cœur.
Il régnait ce matin-là, comme à l'accoutumée, ce mélange délicat d'opposés climatiques qui caractérise le région. Cette douceur maritime régulièrement assassinée d'une lame de froid montagnard, dès que les rayons du soleil disparaissent derrière le mur contre lequel vous marchez. J'étais contente d'avoir gardé mon bonnet pour affronter les venelles sombres où rôdaient déjà des courants d'air glacés annonciateurs d'hiver.
Dans un jardin, j'ai fini par trouver une vieille femme, occupée par ses iris. Elle leur parlait. J'ai trouvé ça charmant, puis diablement déprimant : il fallait quand même être diablement seule pour converser avec des fleurs.