Citations sur Saint Jacques (72)
Les éboueurs entrechoquaient les conteneurs en un vacarme du diable, j'ai eu droit à un bref signe sympathique au passage du camion. Ils avaient dû me prendre pour la femme de ménage et c'était sûrement une marque de fraternité, entre gens qui travaillent quand les autres dorment encore, et qui sont payés une misère. La solidarité de l'infortune.
L'aube venait doucement, j'entendais les cris des goélands, et vu le raffut qu'ils faisaient, il devait y avoir un retour de pêche sur le port.
J'ai marché sans voir la ville, jusqu'à la mer. Une femme se promenait sur la plage avec une petite fille, toutes deux habillées d'une robe légère qui frissonnait au vent. Un jeune chien jappait devant elles. A distance respectueuse se promenaient des goélands au cou immaculé, aux pattes palmées jaunes d'or. Je me suis surprise à rester rêveuse et émerveillée, à songer à Sorolla au lieu de penser à ma mère.
Tu t'étais trouvé un ami sûr à qui confier ton entreprise, je m'étais déniché une mère à aimer : Rose, jour après jour avait récupéré des forces et je m'étais aperçue qu'elle avait pris une place immense dans la maison et dans ma vie, malgré sa constante discrétion.
J'aimais regarder les Cévennes rosir peu à peu, leur écume de châtaignier mousser d'un vert encore tendre. Mon coeur dévalait Jusqu'au Gardon, coulant paresseusement, serpent de vie dans un lit de rocailles blanchâtres et hostiles. Le pont médiéval, immuable, attendait que les premiers rayons du soleil percent l'exiguïté de la vallée. Je remontais ensuite par les sentiers à la pente âpre qui vous coupe le souffle.
J'ai marché sans voir la ville, jusqu'à la mer. Une femme se promenait sur la plage avec une petite fille, toutes deux habillées d'une robe légère qui frissonnait au vent. Un jeune chien jappait devant elles. A distance respectueuse se promenaient des goélands au cou immaculé, aux pattes palmées jaunes d'or. Je me suis surprise à rester rêveuse et émerveillée, à songer à Sorolla au lieu de penser à ma mère.
J'entendais des râles suggestifs, dignes de films pornos, mais exclusivement masculins, me semblait-il. Les prostituées ne faisaient plus semblant.Moi, si j'avais été à leur place, j'aurais poussé des cris de plaisir magnifiques pour que le client soit content.Mais ils devaient être bedonnants , avec du poil sur les épaules, des ongles de pied mycosiques et des petites jambes d'alcooliques.
- Tu penses que les hommes ne pleurent pas, Rose?
- Si, bien sûr, et bien plus que nous. Mais ils étouffent de chagrin et se consument d'un seul coup. Il leur faudra encore quelques siècles avant qu'ils ne s'autorisent à gémir, à hurler, à crier leur détresse à la face du vent et du monde. Nous, nos mères nous ont appris qu'il faut pleurer pour que la douleur s'échappe et aille brûler ailleurs, au lieu de nous rôtir les entrailles.
Ce silence, c'était celui des gens de la terre où l'on sent bien mieux qu'on ne parle.
Je ne suis qu’une simple femme. Une simple femme, qui n’aime que les héros. C’est la punition pour celles qui ont ce penchant : les héros meurent jeunes et les femmes qui les ont aimés vivent vieilles pour les pleurer encore plus longtemps.