Citations sur Quadrille (18)
De l'amour total à l'amour totalitaire, il n'y a qu'un pas.
Salva repousse toutes les questions. C’est un causeur invétéré qui devient laconique lorsqu’on le sollicite. Ses phrases n’appellent pas de développement. Elles n’existent que pour leur beauté, ou leur violence. Derrière, il n’y a rien. Elles sont à prendre ou à laisser. Un œil critique serait tout de suite en alerte, trop d’esbroufe et d’images convenues, mais je suis une débutante et je gobe toutes ses sornettes.
« Le désir est un fruit qui ne se partage pas » .
Des sensations confuses se bousculent et me privent de repos ——la fragrance exotique du clou de girofle——- la gaze fine qui s’accroche au rotin——déchirée par un geste brutal , peu attentionné , déterminé ———. »
« Comment se passer de la nuit au- dessus de la mer devenue lac noir, piquée au loin des lucioles rouges au bras des éoliennes tandis que dans le ciel les constellations avancent à toute allure ,,soleils en étoiles , traînées laiteuses , immensité creusant une profondeur inédite dans nos âmes ?
Et l’odeur des figuiers ,peut - on abandonner de « son plein gré » les effluves alcooliques des fruits se détachant dans un froissement de feuilles et s’écrasant sur le sol, un choc mou de chairs offertes ? » ...
« Le chemin de terre serpente à flanc de colline le long de la mer.
Ça et là ,des îlots pierreux émergent et , au large , vallonne le Péloponnèse.
Les eucalyptus, les pins et les figuiers sauvages ponctuent la côte . Au printemps ,la garrigue est en fleurs et se couvre de hauts herbages aux éclats vifs , rouge, jaune , parme .
Je n’avais connu l’île qu’en été , quand affleure la roche aride et poussiéreuse .Le changement de saison rendait le paysage méconnaissable » ....
« La lueur timide et fugitive , l’instant éclair, le silence, les signes évasifs ——-c’est sous cette forme que choisissent de se faire connaître les choses les plus importantes de la vie » ...
« Vladimir Jankélévitch » ...
Lorsqu’ Ariane revient en Grèce avec son nouveau compagnon, les souvenirs l’assaillent et l’envie de comprendre comment et pourquoi sa première famille a explosé cette année-là ! Comment ce séjour d’une famille tranquille a-t-il pu se révéler hautement dramatique.
Il a suffi d’une rencontre au marché local. Ariane croise Viola, les enfants de l’une et de l’autre ont le même âge, une invitation anodine pour l’apéritif.
Ariane et Pierre franchissent le pas de la maison du photographe et la rencontre avec les Sainte-Rose, ce couple fascinant, brillant, qui respire l’insouciance et la liberté aura raison de leur innocence ! Une allure, u regard, une voix....
Entre Balades en bateaux, sorties, farniente, manipulations et perversions, les deux couples vont s’adonner aux jeux de l’amour ou tout est permis sauf d’y mêler les sentiments.
La perversité va s’étendre jusqu’aux jeux des enfants….jusqu’au drame !
L’atmosphère des vacances devient pesante sous l’écriture de Nina Benaroya, au fur et à mesure de la lecture l’attraction et la fascination qu’exerce les Sainte-Rose sur leurs hôtes devient plus floues.
Une folie de vacances, cette parenthèse extraordinaire aux répercussions irréversibles qui bouleversera à jamais la vie des protagonistes !
J’ai été happée par la tension de ce roman qui doit beaucoup à la psychologie minutieusement brossée de ses personnages.
Les Sainte-Rose, l’île, l’explosion de notre famille, les blessures – tout ça avait été aspiré par un trou noir. Ils n’avaient jamais exprimé la moindre rancœur, que ce soit à mon égard ou à l’encontre de leur père. Quand ils avaient commencé à aller en Bretagne, rien n’avait été commenté. Il y aurait eu matière à nuancer, pourtant. J’aurais pu avouer ma part de responsabilité, admettre que malgré mon dévouement à leurs côtés tandis que leur père se terrait au fond de la Bretagne, j’étais tout autant coupable. Je n’aurais pas dû laisser s’installer le silence. Mieux aurait valu donner des clés de compréhension, encourager les questions. Je ne l’ai pas fait. J’ai opté pour une autre approche, la seule valide à mes yeux d’alors, vite effacer l’ardoise, aussitôt des œillères, un brusque accès de cécité pour rendre la vie vivable, et tant pis si les enfants ne parvenaient pas à éclairer les zones d’ombre ou à combler les lacunes narratives.
Je découvre que le désir n’est pas qu’affaire de sexe. Le désir est un courant qui électrise ceux qui s’en approchent, une bouche dévorante qui fait feu de tout bois, voilages blancs soulevés par les vents chauds, ombres incertaines dans le jardin, chuchotantes mélodies au loin happées par les profondeurs de la mer. Le désir est une force expansive qu’une fois déclenchée, rien n’arrête. Il ravit tout sur son passage et prospère au moindre frôlement, un éclat furtif dans un œil, un grain de sable sur la peau – tout devient signe, symptôme, facteur aggravant. Soumis à sa puissance, les contours du monde se dilatent, se tordent et dévoilent des visages inexplorés, voluptueux comme la nuit.
Le désir vit sa propre vie. Cet été-là, il me choisit. C’est mon heure de gloire. Pour que cela ne cesse jamais, je fais tout ce qui est possible. Je fais n’importe quoi.
Le désir est un fruit qui ne se partage pas.