La singulière tristesse du gâteau au citron

On entend par aliments ales substances qui, soumises a l'estomac, peuvent s'animaliser par la digestion, et réparer les pertes que fait le corps humain par l'usage de la vie.

Mais dehors le jour déclinait, et tandis que j'avalais cette première bouchée, et que la première impression s'évanouissait, j'ai senti un changement subtil s'opérer à l'intérieur, une réaction inattendue. Comme si une papille enfouie tout au fond de moi sortait son périscope pour jeter un coup d'oeil alentour, alertant ma bouche de l'apparition d'un élément nouveau.

J'ai ouvert les yeux. Sa peau dégageait une impression de pesanteur, comme avant, comme si plus d'heures s'étaient accumulées dans les traits de son visage qu'il n'était envisageable, comme s'il était une version vivante de la relativité, pris entre le temps des horloges et celui de l'espace.

Tout ce que j’ai comprenais , c’est qu’il n’avait pas inséré le pied de la chaise dans sa jambe , mais que, je ne sais comment, sa jambe était devenue le pied de la chaise , tout en gardant sa chaussette qui rentrait dans sa chaussure. La chair était invisible, ou plutôt, il ne restait qu’un reflet de jambe que je distinguais vaguement. S’était-il coupé la jambe ? Non. Encore une fois : pas de sang, rien. À la place, il n’y avait que ce reflet de jambe humaine autour du pied de la chaise, un halo tamisé d’humanité qui tendait à disparaître autour du solide pied en métal, un changement de texture qui, d’une certaine façon, faisait sens. On aurait dit que la chaise prenait naturellement l’avantage sur lui, comme si elle le dissipait ou l’absorbait avec une simplicité qui ferait croire qu’elle avait cet effet sur tout le monde. Et puis il avait le pied de la chaise, le bout en caoutchouc qui entrait dans la chaussure, chaussures qui ne paraissait plus contenir de pied humain.

Voir arriver quelqu’un que l’on aime, les jours où tout va mal, est l’un des plus grands baromètres de la gratitude.

Je ne l'avais jamais vu aussi impliqué dans son rôle de père que durant la période où je ne dessinais que des ballons de foot. J'avais aperçu un petit moi dans son regard, logé dans ses pupilles, assis à ses côtés pendant la finale de la Coupe du monde au Brésil, à boire une bière. Mais en donnant une expression aux ballons, le petit moi avait disparu de son regard comme une télé qui s'éteint.

J'ai croqué dans le biscuit aux flocons d'avoine. Mêmes impressions - l'avoine, bien séchée, mais pas si bien arrosée, les raisins secs insipides et assoiffés parce que cueillis par des ouvriers assoiffés, la précipitation dans la préparation. Le cookie était très pressé, comme s'il me fallait le manger vite avant qu'il ne fasse qu'une bouchée de moi.

C'est arrivé pour la première fois un mardi après-midi, par une chaude journée de printemps dans les plaines d'Hollywood, alors qu'une brise légère soufflait de l'océan et agitait les pétales des pensées aux yeux tuméfiés que nous venions de planter dans les jardinières.

je sentais une fois de plus les larmes s'amasser dans ma gorge, mais je les ai éparpillées loin les unes des autres. Les larmes ne sont'une menace qu'en groupe.

Courir partout, chercher, ouvrir, fermer, une vaste ruse.
Comme s'il pouvait etre ailleurs qu'à proximité de sa sa chambre. J'avais beau etre incapable de le trouver, je savais où il n'était pas et il n'était surement pas chez les voisins. Les livres, les cartons à demi pleins, les piles de vetements. Cette atmosphère tendue si familière à l'intérieur de la chambre.
Il ne va pas tarder ai-je dit.
Maman courait sur le trottoir. Qu'est ce qu'on peut faire, a-t-elle demandé à George. Il est l'heure!
Je sais ai-je dit, pas assez fort pour qu'elle entende. J'ai fermé les yeux. Laisse-lui une seconde, ai-je ajouté.
Elle courait dans tous les sens sur le trottoir, allait au bout de la rue. Jo-seph! l'ai-je entendue appeler. Jo-seph!