AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le train de la mort (10)

Extraits du livre:

Et la tragédie continua, les hommes perdant connaissance, s’affaissaient sur leurs voisins. Ceux-ci tentaient de les soutenir ou de les rejeter, mais s’affalaient bientôt sous leur poids. Dès qu’un membre, bras ou jambe, se trouvait pris sous un corps, il était impossible de le dégager et, tôt ou tard, on se trouvait enseveli sous d’autres corps. Beaucoup périrent étouffés par le poids des corps dont ils n’avaient pu se dégager ; d’autres perdirent la raison, c’est ainsi que Barrois se figurait jouer une partie d’échecs avec moi. Son délire fut bref et il s’endormit sans souffrances. J’assistais impuissant à la mort.

Quelques-uns devinrent fous furieux. Ils se mirent à frapper leurs voisins ç coups de poings, de souliers, de gamelles…à sauter, à courir d’un bout à l’autre du wagon en écrasant les camarades. Ceux-ci, en se défendant, perdaient le peu de force et de souffle qui leur restait et succombaient à leur tour.

Page 181 –
Commenter  J’apprécie          90
Avant le départ de Compiègne, les Allemands découvrent la fouille, un couteau dans la paille du wagon : nous serons privés d’eau. Je crois que cette punition, tout en aggravant nos souffrances, va contribuer à ce que notre wagon n’ait pas de mort : nous avons moins chargé l’atmosphère de l’humidité saturée d’urée de la transpiration. Ce n’est pas le seul facteur favorable. Des camarades, dont je regrette infiniment de ne pas connaître l’identité vont établir une discipline raisonnable dans les postures des cent prisonniers et leur relève périodique. On bougera le moins possible. Des hommes se relaient pour faire circuler l’air confiné en balançant des couvertures. Quand à la situation, elle est celle de tout le train ; à peine une mince fente dans la clôture hermétique… J’estime, avec l’expérience des séjours (brefs) dans des étuves d’essais, que la température a atteint 70°C. La journée est atroce, d’autres le diront mieux que moi, chez lesquels la situation est plus grave encore, faute de discipline.

J’ai à peu près perdu connaissance lorsqu’un camarade me sauve sans doute la vie en me hissant au contact de la fente que j’ai signalée : c’est longtemps après que j’ai appris son nom, celui de l’accordéoniste André Verchuren, auquel je garde toute ma reconnaissance.

Page 215 et 216.
Commenter  J’apprécie          70
Nous avions la tête enflée à ne pas nous reconnaitre entre nous, nous avons vu dans le regard de certains civils qu'ils n'étaient pas très fiers et beaucoup sont repartis. Entre la gare et le camp, deux enfants, environ dix et douze ans, se sont approchés de moi et m'ont dit en allemand : « Courage monsieur, la guerre bientôt finie. » Si vous saviez ce que cela peut faire de bien.
Commenter  J’apprécie          20
Vogein bouscule un gardien, se précipite à la bouche d'eau et commence à remplir une bouteille. Le gardien se plante devant lui :
" - C'est interdit.
- Interdit? Je m'en fous. Cette eau a été placée ici pour que l'on puisse donner à boire aux bêtes.. On peut bien en donner aux hommes."
Des dizaines de boites, gamelles, bouteilles s'agitent aux lucarnes. Le gardien baisse son arme.
(...)
Il est revenu à la bouche d'eau et aligne les récipients. Le gardien a été rejoint par trois soldats. L'un d'eux, d un coup de botte, renverse les boîtes de conserve.
" - Interdit. "
Commenter  J’apprécie          20
Ce sont les Allemands eux-memes qui, la veille, avertissent les locataires de la rue de Paris des horaires de "transfert" pour que les volets, les fenêtres restent fermés. Ils veulent éviter les "incidents regrettables" qui se sont déroulés au cours de l'année 1943 des centaines de Français hébergés pour quelques heures dans ces appartements, ont pu apercevoir un parent, un ami, un camarade de réseau... Certains, comme les propriétaires du Café de la Victoire ont réalisé d'excellentes affaires en louant, fort cher, leurs fenêtres des étages.
Commenter  J’apprécie          10
Pour ma part et bien qu'ayant subi les fouilles comme mes autres camarades, j'avais réussi à conserver un petit canif que j'avais collé avec du sparadrap sous mon bras gauche, à la naissance de l'aisselle. Ce couteau allait me sauver la vie car, des lors que j'ai eu constaté la direction du train et jugé de cet entassement humain, je n'ai eu de cesse que de me coller littéralement à la paroi du wagon. L'altruisme est un acte magnifique ; la vie est une chose bien plus précieuse. Un atavisme profond, doublé d'un sens inné des réactions et preoccupations primitives de l'homme, me fit entrevoir avant l'heure la tragédie sanglante qui allait se dérouler. Qu'importe la nourriture, quelle importance y a-t-il d'être encore plus mal à l'aise que les autres, lorsqu'on sent qu'un brin d'air vous laissera vivant? Tandis que déjà des mourants agonisent, que d'autres se dévêtent, patiemment, sans bruit, avec l'aide de mon canif, je confectionne à la jointure de deux planches un petit trou. Dès lors qu'il est achevé, ma bouche s'écrase. Jusqu'au 5 juillet, mon seul horizon aura été cette planche et mon seul répit, celui de le cacher, afin qu'on ne le voie pas. Tel un trésor des Mille et Une Nuits ou les voleurs n'étaient pas comme les autres, mais des fous à la recherche du salut : mon trou était un diamant à nul autre pareil.
Commenter  J’apprécie          00
Seuls deux ou trois hommes avaient pu conserver leurs esprits jusqu'au bout. Ceux qui, comme moi se trouvaient en surface sur cette masse de cadavres revinrent peu à peu à eux. La majorité des camarades ayant cessé de respirer, les survivants eurent ensuite suffisamment d'air. Nous n'avions pas réalisé, au début, l'étendue des pertes, tellement la chose était inconcevable. Ce n'est qu'en voyant tous ces corps étendus enchevêtrés, pêle-mêle les uns les autres et sans mouvements que nous comprimes qu'ils étaient bien morts.... Chacun appelait ses camarades, parfois son pere ou son frère.
Commenter  J’apprécie          00
Quelqu'un avait ouvert ses volets et placé à la fenêtre une gravure religieuse représentant la Sainte-Famille avec une grande inscription « Paix Sur la Terre aux Hommes de Bonne Volonté ». Cette gravure, cette inscription furent pour moi d'un réconfort immense; j'ai repris confiance, et je me suis juré, tout en marchant, que si je m'en sortais, je reviendrais dans cette rue de Compiègne pour remercier la personne qui m'avait donné cet espoir. (5)


(5) Jean Migeat est revenu a Compiègne en 1966. Il a Suivi la rue de Paris, a reconnu la maison, la fenêtre. Il est entré. Vingt-deux ans plus tard il a remercié Mme Forre pour son geste.
Commenter  J’apprécie          00
Il ne faut pas croire que je laissai à mon adversaire le temps de vider son chargeur sans bouger. J'avais remarqué, dès son arrivée, qu'il gardait sa main droite enfouie dans la poche. J'en avais déduit qu'il était armé ; mais comme on m'avait appris en Angleterre qu'il était impossible de tirer des coups de feu de l'intérieur d'une poche, je me disais que, s'il sortait son revolver, j'aurais largement le temps de le neutraliser. Malheureusement, les instructeurs britaniques avaient oublié de me signaler qu'il existait un cas où on pouvait tirer d'une poche... lorsque le revolver est à barillet. Et Ledanseur avait un barillet.
Commenter  J’apprécie          00
Nous ne fûmes presque jamais séparés durant cette période et ensemble nous fîmes le coup de poing contre les gardiens de Clermont-Ferrand pour tenter de nous évader. Ensemble, nous avons été matraqués presque à mort, à coups de nerf de bœuf par les policiers et les gardiens qui avaient été rendus fous furieux par notre tentative. Ensemble, nous eûmes faim, froid, connûmes le désespoir et l'exaltation, lorsque les nouvelles favorables de la situation militaire nous parvenaient. Ensemble, nous participâmes a la mutinerie d'Eysses et c'est à Compiègne que je le vis pour la dernière fois. Edgar Amigas n'étant pas, pour je ne sais quelle raison, sur les listes de départ, il fit l'impossible pour nous rejoindre. Il tenta de se faire passer pour un autre, supplia, mais rien n'y fit. Et c'est avec tristesse que notre petite équipe se trouva brusquement amputée d'un des meilleurs d'entre nous. Jamais je n'oublierai la peine de notre ami qui, malgré le risque qui nous attendait en déportation, aurait préféré rester avec nous, afin de ne pas rompre une amitié forgée dans la plus cruelle des épreuves. Pour nous consoler Paul Weil et moi pensâmes que peut-être il aurait une plus grande chance de s'en tirer car les Alliés approchaient...
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (133) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quel est le bon titre des livres de Christian Bernadac ?

    Les médecins ... ?

    Atroces
    Teigneux
    Maudits
    Eprouvé

    10 questions
    2 lecteurs ont répondu
    Thème : Christian BernadacCréer un quiz sur ce livre

    {* *}