Je venais tout juste d'atteindre mes dix-huit ans, lorsqu'un soir, après boire, la main d'un ami guida la mienne pour signer un engagement d'une année sur un galion.
Mes souvenirs relatifs à ce qui devait être le départ d'une aventure effroyable, sont très vagues, pour ne pas dire nuls. En fait, je ne repris vraiment contact avec la réalité, que le lendemain matin. Ma surprise fut grande, alors, de me retrouver couché de tout mon long sur la dure, accueilli par le bleu du ciel profond.
J'aperçus ensuite des voiles que gonflait doucement un vent léger, puis les petites taches blanches de la mer en mouvement se multipliant jusqu'au bout de l'horizon.
Au comble de l'étonnement, je regardai autour de moi, quantité de cordages s'y trouvaient lovés, des cordages pareils à ceux que j'avais vus si souvent sur les ponts des navires en escale...
(extrait du chapitre premier)
Je regrette vraiment pour toi, petit, de te voir avec moi dans mon cauchemar d'homme éveillé. Mais il faut bien que tu comprennes que si nous commençons à nous affoler, c'est contre nous que nous travaillons ! Ici, tout est inexplicable. Et ne compte surtout pas trouver la solution. Comme partout, la mort rôde avec la vie. Mais ici, un peu plus qu'ailleurs, c'est tout !
Il me disait cela pour me tranquiliser. Mais tandis qu'il me parlait, je sentais monter en moi la solitude. Toine sans la peur, je le voyais bien, prenait le chemin de l'acceptation. Et je me demandais si l'étonnement que je lisais sur ses traits n'était pas celui de n'être pas mort. Le vieux coeur de mon compagnon était fatigué, et j'étais persuadé qu'il ne continuait à battre que pour son jeune ami.