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Critique de Annette55


«  S'avouait - il que pour la première fois, lui, l'insatiable conquérant, proposait la paix au lieu de l'imposer ? . »

«  Cette guerre trop longue, trop lointaine, n'était pas la leur. le coeur n'y étant pas, les organismes supportaient mal les privations et les fatigues » .

«  L'air s'engouffrait, tout s'embrasait et, par combustion instantanée, la splendeur d'un palais à la française, à l'italienne, disparaissait dans les enroulements grondants d'un tourbillon de feu » .

«  Les âcres fumées de bois verts et humides des feux devant lesquels ils se réchauffaient, cuisaient leurs misérables aliments avaient noirci leurs mains , leurs figures , rougi leurs yeux » .

Quelques extraits de ce récit d'un désastre légendaire mené de main de maître par Michel Bernard dont on connaît la virtuosité, conté à hauteur d'homme, formidablement documenté, vif, vivant, poignant, résonnant fortement en nous à l'heure où l'oeil de Moscou sévit encore….

Dédié à ceux qui n'ont pas de nom et aux chevaux, l'auteur restitue à l'aide de pages superbement écrites l'entrée de Napoléon dans Moscou embrasée, submergée par un océan de flammes, le vieux coeur de la Russie partait en fumée.
Pourtant depuis un an, l'empereur préparait sa campagne de Russie minutieusement, méticuleusement.
Il ordonne à la Grande Armée de quitter la capitale calcinée le 19 octobre.

Il espère battre l'ennemi et s'installer à Smolensk avant l'arrivée de l'hiver.

Hélas des rafales de vent chargées de neige balayaient la route, les chevaux dérapaient, s'abattaient entre les brancards, le légendaire hiver du grand continent entraînait la décomposition de l'armée napoléonienne, en proie à la souffrance , aux sacrifices , certains tués , blessés ou faits prisonniers, devenus des épaves épuisées, brisées , face à ces cosaques virevoltants centaures armés de lances , habitués au mauvais temps , leurs petits chevaux gris , semblaient aimer le vent coupant des steppes, s'en accommodant comme une espèce de stimulant.

Le froid et la neige précoces surprennent ces troupes épuisées, très mal ravitaillées, encombrées par leur butin lors du pillage à Moscou, leurs malades et leurs blessés.


Débandade, non respect des consignes, hommes fourbus, mal chaussés, l'auteur conte la tragique retraite de Russie, cet hallucinant voyage dans l'enfer blanc, en suivant l'itinéraire de onze hommes, et d'une femme à travers collines verglacées, froid extrême , blizzard, plaine enneigée au milieu du harcèlement constant des cosaques et des combats .

Côte à côte : le sergent Adrien-Bourgogne, le colonel Raymond Aimery de Montesquiou, le lieutenant colonel Christian Wilhelm Fabre du Faur, le lieutenant Danel, la comédienne Louise Fusil Henri Beyle , auditeur au conseil d'état , futur nom de plume : Stendhal, le soldat Jakob Walter , le lieutenant Hubert Lyautey, Armand de-Caulaincourt, resté homme de confiance de l'Empereur , le maréchal Michel Ney.

L'auteur narre avec maestria, au plus près, l'histoire de leur lutte quotidienne contre le froid extrême , le désespoir, la faim, le blizzard, ce sont des officiers , sous officiers , simples soldats courageux , diplomates ou futur grand écrivain comme Stendhal.


Ils avancent , soutenus par le sens du devoir et l'instinct de survie ….

20 O00 rescapés pour 700 O00 soldats mobilisés au début de la campagne de Russie .

Talonnés par les cosaques, les soldats de l'empire subirent la Bérézina, vieillis, désabusés, dépassés, l'âme marquée d'inguérissables blessures, ils furent réduits à la débrouille, ils n'eurent bientôt plus qu'un seul souhait : s'en sortir, cette épreuve dépassait toutes les souffrances connues jusque là.
L'empereur s'efforcera de sauver ce qui pouvait l'être, rien ne s'était passé comme il l'avait prévu .

Offensives brisées par le général hiver «  La terre russe ne peut être conquise , elle est trop vaste » disait Joseph Staline. .


Il faut lire ce récit hallucinant, dense, complet, bien construit, habité d'un souffle brûlant, aux pages superbes, qui rend un vibrant hommage au sacrifice de l'arrière garde animée par le Maréchal Ney, déjà cité plus haut, ces souffrances endurées par des milliers d'hommes, la souffrance inouïe du soldat, «  le pire désastre des annales militaires » une armée en train de perdre en Russie, ses réussites, son invincibilité, sa puissance.

Pour l'empereur le commencement de la fin: rappelons ces dates : 1812, 1942, 2022 ……

« Le printemps surgit d'un coup dans les confins continentaux de l'Europe. Un beau matin, l'air est doux et parfumé, l'eau qui sourd de sous les plaques de neige parait tiède . L'hiver est fini , sa légende commence » .
Page 287.
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