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Critique de ASAI


Après avoir lu Un enfant, voici le second ouvrage de Thomas Bernhard que je dévore passionnément.
Avidement serait plus approprié.
Pourquoi ?
D'abord pour l'écriture. Elle est d'une richesse simplissime. Oui, commenterez-vous, expression complètement paradoxale, ne veut rien dire, que de la décoration et de la surface. Non, réponds-je, pas du tout. Thomas Bernhard écrit des choses simples, des sentiments, des amitiés, des tristesses, des peurs, de la colère (et il en a de sacrément violente et argumentée), de la douleur physique, des angoisses, dans un phrasé construit de manière musicale ou architecturale, et qui débouche sur une impression pour le lecteur grandiose.
J'aime tout particulièrement la construction de la phrase chez Thomas Bernhard. Il place les adverbes ou les propositions (je n'ai pas les termes techniques modernes) souvent en milieu de phrase là où habituellement on les place à la fin. Cela crée des ruptures qui permettent au lecteur de réfléchir, de se réfléchir, de se refléter et en conséquence, de se renvoyer, à condition évidemment qu'il participe de lui-même à cette réalisation, les émotions énoncées, ressenties, vécues par l'auteur.
Nous sommes donc très loin, très loin, de ces petits romans descriptifs, narratifs, très en vogue actuellement, du genre "j'ai fait ceci, j'ai dit cela, j'ai eu... et l'émotion est plaquée"... et moi lecteur ? plaqué ? aussi ?
Ensuite, l'histoire de cette amitié, largement autobiographique est évidemment magnifique, car elle n'est en rien banale. Thomas B. souligne régulièrement les affinités qu'il vivait avec son ami Paul et les oppositions. Or c'est bien cela qui a forgé cette amitié. Reconnaître et respecter les contraires, les disputes qui en résultent. En cela, l'oeuvre de Thomas est d'une sincérité et d'une honnêteté rares.
Et enfin, Thomas se révèle. Car quoiqu'on en dise, cet opuscule est très largement autobiographique. Et que s'en prennent plein leur figure, les médecins (que Thomas hait et quand on connaît sa vie et sa maladie, et l'époque, on peut le comprendre), les politiques, les prétentieux littéraires qui fréquentent les hauts lieux littéraires à Vienne, du coup les Viennois aussi sont dans le collimateur, puis presque tous les Autrichiens.
C'est dans ce livre que Thomas Bernhard raconte le véritable - selon lui- du scandale provoqué lors d'une remise de prix littéraire dont il était le lauréat. Mais il se moque de ces ministres, politiques, qui lisent la fiche préparée par un fonctionnaire de service (je mets l'extrait dans les citations).
Enfin, Thomas Bernhard aborde la mort qui l'attend, qui viendra vite, il le sait, il la sent. Et ces pages sont d'une absolue sincérité et de fait d'une abyssale tristesse, bouleversante. Il dit qu'il ne peut plus voir son ami si cher car si près de la mort, et que cela il ne le peut pas. Et il pose sa culpabilité, son non-courage face à la mort. Lui qui y a été confronté toute sa vie.
Ce livre emmène loin, très loin, dans ce que nous avons à affronter et à éprouver au cours de notre passage.
Je terminerai par ceci : je l'ai lu au cours d'une journée, à 2500 m d'altitude, dans un petit vallon alpin, accompagnée par des abeilles butinant les pensées sauvages me côtoyant et la lumière de ce livre m'a accompagnée bien au-delà.



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