AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PatriceG


Le film "Un couple" sorti le 4 avril 2023 en dvd est réalisé par Frédérick Wiseman avec le concours de Nathalie Boutefeu comédienne.

Ah ! ainsi Dieu nous a fait homme, mais ici-bas, l'homme se démerde comme un manche avec sa partenaire et c'est bien le sujet par excellence qui appelle toute notre attention en général, et ici en particulier.

Il y a deux vedettes dans ce film : la comédienne et la nature, tourné entièrement à Belle-Ile en mer. C'est une amie du metteur en scène qui a prêté son domaine magnifique pour le tournage. On ne peut pas dire que l'endroit ressemble à Iasnaïa Poliana, on y voit la mer, les jardins ; on ne peut pas dire non plus que le lieu n'évoque pas du tout le repaire du couple Tolstoï, puisque la nature y est omniprésente. Cette transposition me paraît tout à fait convenable.

La trame de ce récit entrecoupé par une nature qui se déchaine parfois tient dans un monologue interprêté avec une infinie délicatesse et beaucoup de discernement par Nathalie Boutefeu. Son rôle est celui de Sonia Tolstoï qui commente sa vie de couple dans son journal et ses carnets, avec la même voix elle se fait l'écho de certaines lettres de son mari Léon. Les premières scènes sont âpres, on peut les imaginer dans les années 1880 où le couple Tolstoï traverse une mauvaise passe ; cette chronicité va durer quelques années. Qu'est-ce qui change dans le fond chez les Tolstoï ? Ce sont ces répétitions de brouilles suivies d'embellies. Sonia se désespère de perdre à petit feu l'amour de son mari qu'elle sent absent, éloigné de ses problèmes au quotidien. L'amour partagé où l'on voit ensemble la vie disparaît à sa vue "qui se rétrécit, qui s'amenuise", le moindre pas en avant lui paraît illusoire ! Trop de concret lui apporte la preuve que l'époque où le couple s'entendait à merveille appartient désormais au passé. Son Léon semble appartenir à quelqu'un d'autre mais cette amertume est aussi rattrapée par la philosophie, car Sonia est loin d'être une sotte même si elle a l'impression parfois de l'être : être considérée non plus comme l'aimée au coeur de la relation, mais la servante de cet homme puissant qui est déjà célèbre et qui va le devenir plus encore dans le monde entier. "Les couples heureux , dit-elle, sont égotistes". Moi j'ai dit égoïstes, donc je partage !

Un jour Léon Tolstoï menace de partir de Iasnaïa Poliana, et Sonia menacer à son tour de se suicider, mais cela reste des tentatives avortées qui finiront par s'arranger. Sonia regrette dans le fond que leur relation soit trop corporelle et pas assez attachée à la vie de chacun : elle attendrait de cette vie plus de sentiments, plus de preuves d'amour et du côté de Léon, c'est la jalousie, la femme qui n'aime pas assez son mari. Il en veut toujours plus !

Alors aussi s'interroge la comédienne qui a façpnné le scénario avec le cinéaste en ayant lu l'oeuvre de ces deux protagonistes, ; elle s'interroge pour Sonia, peut-être qu'elle exagère (Sonia), car c'est aussi un tempérament de feu qui apporte la dragée haute à Léon.

Mon sentiment sur la question est que Sonia est une grande dame qui a toujours aimé son mari ; elle a toujours eu une haute idée du génie littéraire de celui-ci, mais à un certain moment dans leur vie de couple de légende qui a été au beau fixe disons pendant une vingtaine d'années, il est vrai que ce dernier n'a pas mesuré la chance qu'il avait d'être tombé sur elle qui l'a aidé à se réaliser en tant qu'artiste. La part de l'artiste est aussi du Sonia si proche de lui, mais alors dans ces conditions de quoi avait à se plaindre Sonia ? Ben Sonia est tombé sur un homme difficile à vivre, d'abord pour lui-même, d'une complexité infinie, d'abord attachant, adorable, et puis très changeant et tout au plus la violence ne fut que sentimentale. On peut se demander parfois quelle autre femme aurait pu supporter tout ce poids et aussi ces histoires sombres de devoir protéger les siens quand il prit cette idée folle à Tolstoï de vouloir vivre comme les paysans et objectivement de renoncer à ses droits d'auteur. Je suis désolé, ce n'était pas dans le contrat de vouloir nuire ainsi à sa propre famille. Ce côté de Tolstoï n'est pas bien, il est bien clair qu'il n'a pensé qu'â lui-même comme toujours ; d'ailleurs sa vie n'a guère changé de régime social, il a toujours été le conte qu'il était par le sang familial. Il n'a pas arrêté de casser les pieds à Sonia avec cette histoire et après il s'étonnait de la santé psychique de sa femme. Cette compassion née de sa négligence a quelque chose de dérisoire, et parfois même de pathétique ! Il n'y a de vérité chez Tolstoï qu'expliquée avec ce supplément d'âme par Sonia, grâce à son tempérament exclusif ! Elle a été son pygmalion, c'est indéniable; Maintenant, j'en terminerai, il ne faut pas prendre à la lettre tout ce que raconte Sonia dans ses écrits qui sont une oeuvre littéraire et qui sont bien souvent des contrechamps, des humeurs à fleur de peau eu égard à l'ogre Tolstoï qui de son ombre puissante régit Iasnaïa Poliana. Mais on pourrait aussi faire dans une certaine mesure ces contrechamps avec comme point de vue celui de Tolstoï envers sa femme ..

Le film s'arrête au moment où ces vrais problèmes matériels, affectifs apparaissent et c'est tout l'art des auteurs d'avoir bien senti les choses, de les avoir suggérer avec nuance, où il y a fort à lire et à comprendre entre les lignes. S'être arrêtés de la sorte sur ce couple qui ici donne la part belle à Sonia, façon de parler parce que la tonalité est plutôt mélancolique n'est pas sans rappeler le bonheur éphémère des couples en général, au point de faire naître dans les esprits ce dialogue impossible en finalité entre deux êtres et ici d'exception.

Je corrige deux étourderies qui figurent dans le synopsis de cette oeuvre. C'est 48 ans de vie commune et non 36 pour le couple Tolstoï, et Léon n'avait pas 36, mais 34 ans au moment où ils se sont mariés. Quand à aller dire que Tolstoï connaissait tous les bordels de France et d'Allemagne, j'aimerais bien que le metteur en scène qui avance cette idée me dise où il est allé glaner cette information ? Encore une petite remarque, si on a mis du temps à révéler la personnalité de Sonia Tolstoï au grand public, cela est sans doute vrai, mais pas en Russie. Mais bien loin de moi l'idée de vouloir nuire à l'intérêt de ce film doublé je le rajoute au passage de magnifiques images de la nature à Belle-Ile en mer qui s'imposent tout au long du récit allant même parfois me distraire quand la remarquable comédienne Nathalie Boutefeu reprenait son talentueux monologue. Ce qui veut dire que je reverrai ce film prochainement pour apprécier pleinement la portée de cette oeuvre que je recommande. Les touches de piano sur du Mendelssohn, ce n'est pas mal non plus !..
Commenter  J’apprécie          150



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}