Entre tous, c'est bien le lien au lieu que la modernité a le plus évidemment malmené. Plus la mobilité devenait l'étendard de l'émancipation, moins il faisait bon proclamer un attachement à un territoire, et pire, le justifier phénoménologiquement. Pourtant - et parce que - cette relation est fondatrice, dans nombre de territoires caractéristiques, elle n'a jamais su s'éteindre tout à fait et a continué à faire entendre sa petite musique localiste. En Corse par exemple, dans "cette montagne dans la mer", la société se construit aussi par son lien au territoire. La culture en témoigne et nos lendemains en dépendent. Car aujourd'hui assurément, à l'heure où les équilibres entre environnement et société se redéfinissent du fait d'un certain développement, les questions d'aménagement de l'espace deviennent cruciales pour l'avenir de l'île.
Jusqu'à la fin des années 1960, l'architecture s'est progressivement déconnectée des lieux, instaurant un divorce entre le lieu et ce qu'on y construit. Or entre le sol - le substrat - et la spiritualité, l'occupation humaine d'une portion de l'étendue terrestre produit des liens aux lieux et, ce faisant, des milieux, rapports du vivant à son environnement. La recherche d'un nouvel ordonnancement de ces liens au lieu constitue aujourd'hui, notamment en architecture, une voie d'innovation. La mésologie dont l'objet est précisément la recherche d'une certaine cosmicité (une réinsertion de l'objet dans l'histoire et dans le territoire) vient en appui au projet architectural : "Que peut-on se permettre en ce lieu? Quelles sont les prises, les affordances? Où est le lien entre le bâti et son contenant?" Ce sont les questions que se pose Hugues Rolland, architecte.