Citations sur Journal 1942-1944 - Suivi de Hélène Berr, une vie confi.. (100)
Mais l'idéal sioniste me paraît trop étroit, tout groupement exclusif, que ce soit le sionisme, l'effroyable exaltation du germanisme auquel nous assistons, ou même le chauvinisme contiennent un orgueil démesuré. Je n'y peux rien, mais jamais je ne me sentirai à l'aise dans des groupes pareils.
J'ai fini hier L'immoraliste, je crois que je ne comprends pas Gide: je n'arrive pas à comprendre le sens de ses livres parce qu'il est à peine esquissé, le problème n'est pas clairement posé. Pourquoi Michel fait-il mourir sa femme? En échange de quel gain? Qu'y-a-t-il dans sa doctrine? Elle n'est même pas définie.
D'autre part, la philosophie de Gide va à l'encontre de la mienne; il y a quelque chose de vieux, de pas spontané, de trop réfléchi, d'égoïste dans son désir de jouir de tout.
Ce parti pris d'avance est trop raisonné, il est centré autour du moi, il manque d'humilité, et de générosité. Non, je ne l'aime pas.
Je veux rester encore, pour connaître à fond ce qui s'est passé cette semaine, je le veux, pour pouvoir prêcher et secouer les indifférents. (p107)
Il faut donc que j'écrive pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu'a été cette époque (...)chacun dans sa petite sphère peut faire quelque chose. Et s'il le peut, il le doit. (p187)
J'ai un devoir à accomplir en écrivant, car il faut que les autres sachent. (p185)
Penser que si je suis arrêtée ce soir ( ce que j'envisage depuis longtemps) je serai dans huit jours en Haute Silésie, peut-être morte, que toute vie s'éteindra brusquement, avec tout l'infini que je sens en moi.
Nous vivons heure par heure, non plus semaine par semaine.
La vie continue à être étrangement sordide et étrangement belle.
Ce sont les deux aspects de la vie actuelle: la fraîcheur, la beauté, la jeunesse de la vie, incarnée par cette matinée limpide; la barbarie et le mal, représentés par cette étoile jaune.
Nous avons discuté la question de l'insigne. A ce moment-là, j'étais décidée à ne pas le porter. Je considérais cela comme une infamie et une preuve d'obéissance aux lois allemandes.
Ce soir, tout a changé à nouveau: je trouve que c'est une lâcheté de ne pas le faire, vis-à-vis de ceux qui le feront.
Seulement, si je le porte, je veux toujours être très élégante et très digne, pour que les gens voient ce que c'est. Je veux faire la chose la plus courage. Ce soir, je crois que c'est de la porter.
Seulement, où cela peut-il nous mener?