Citations sur L'affaire Lord Spenser (12)
Le lendemain tandis que les policiers continuaient à perquisitionner, Rose avait conservé son habitude dominicale, qui consistait à se balader à cheval dans les bois derrière la propriété, puis à passer un bon moment à bouchonner son cheval. Et prendre un bain. Ni James ni elle n'avaient été arrêtés, ils avaient même dîné chez eux ce soir là - dans la cuisine, comme c'était l'usage le dimanche.
J'aurais dû rester à Edimbourg. Londres est tellement moins charmant qu'Edimbourg. Ni déglingué ni mystérieux. Pas de personnages pour se découper en ombres chinoises au sommet d'Arthur's Seat, pas de maisons noires de suie, ni d'orages menaçants depuis l'estuaire du fleuve Forth. Il n'y fait pas jour jusqu'à onze heures du soir en été, on n'est pas à proximité des Highlands, il n'y neige pas autant.
J'ai un vieux pull sur moi, pas de maquillage, et ça m'étonnerait qu'elle ait remarqué ma tenue. Quel plaisir d'être avec elle. C'est comme si une alarme sonnant dans une pièce venait d'être tout à coup débranchée. Je n'avais pas prévu que ce serait si éprouvant de se faire passer pour une autre.
C'est le crépuscule, l'ensemble de la propriété est un dessin au fusain.
Pendant des mois après le meurtre, chaque matin, quand j'allais à l'école, je m'attendais à voir mon père sur le trottoir d'en face.
Au Royaume-Uni, deux femmes meurent chaque semaine sous les coups de leur compagnon. Soit plus d’une centaine par an. Personne ne se serait ému outre mesure, personne ne se serait occupé de mon père, sans sa fortune.
Aujourd’hui, je regrette d’avoir passé tout ce temps à l’écart, dans le jardin ou dans les bois. J’aurais dû rester auprès des adultes, les écouter. J’aurais alors pu comprendre pourquoi ils détestaient ma mère. Car ils la détestaient – sinon, ils n’auraient jamais favorisé la fuite de mon père.
Au cours de l’agression, mon père lui avait enfoncé trois doigts dans la gorge, si férocement qu’elle croyait avoir le cou transpercé. Dans l’ambulance qui l’avait emmenée à l’hôpital, elle avait cherché cette plaie à tâtons.Elle s’était défendue. Il avait failli la tuer, mais elle s’était sauvée, courant jusqu’au pub du coin. À ce moment-là, elle ne savait pas encore que mon père avait déjà fait une victime.
Maman a tenu un journal intime, par intermittence, de l’adolescence à la mort. Durant leur première année de vie commune, elle écrivait même tous les jours, longuement, comme si elle ne voulait rien manquer, même les moments où ils n’étaient pas ensemble.Le reste, je l’ai imaginé. Et à chaque nouvelle pièce du puzzle, je revois l’ensemble. Il faut être méthodique, car, quelque part dans cette reconstitution, réside la clé de l’énigme.
C’est dur pour moi de repenser à ce qui s’est passé. Non qu’il m’eût été possible de l’empêcher d’agir – j’avais huit ans –, mais cette scène a quelque chose d’absurde. La fillette qui accepte de lui un bâton de sucre candi rouge et blanc. C’est comme s’il avait fait de moi sa complice.