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Critique de Fabinou7


En cette année électorale, pourquoi ne pas se replonger dans “Les cultures politiques en France” ?

Sous la direction de Serge Berstein, de nombreux historiens, dont Michel Winock, retracent l'évolution, les corpus, les pratiques, sociologies, les liens et porosités qui traversent les différentes cultures politiques françaises depuis la Révolution de 1789. Un ouvrage d'historiens donc, découpé par culture politique, passionnant et accessible.

En vrac, les différentes tensions, entre catholicisme et nationalisme qui transfigurent le mouvement traditionaliste, des contre-révolutionnaires de la première heure, comme Joseph de Maistre, aux royalistes et bonapartistes un temps enthousiasmés par le boulangisme et finalement dépassés par les nationalistes de l'Action française maurassienne. Fracturant ainsi la culture politique des catholiques relégués aux coups d'épée dans l'eau des démocrates-chrétiens à droite ou à l'invisibilité des catholiques de gauche.

Mais aussi le legs de la culture libérale, un temps ennemie des républicains, qui mis progressivement de l'eau dans son vin au nom de la stabilité, synonyme de prospérité économique tranquille, rechignant à descendre dans l'arène partisane, préférant l'élitisme notabiliaire au suffrage universel et, contrairement à son appelation, plus sécuritaire que libérale en matière de droits politiques, condamnant la république plébiscitaire mais s'accommodant du régime de Vichy.

L'avènement d'une culture politique dominante, la culture républicaine, entre laïcité et positivisme. Les républicains sont au centre d'un arc allant des libéraux aux socialistes. Une culture républicaine à laquelle se sont ralliés les gaullistes, héritiers d'une “démocratie plébiscitaire” très bonapartiste dans son lien direct entre un homme et la multitude. L'autre force républicaine est celle des socialistes qui, de Jaurès à Blum, ont un temps voulu renverser la table pour finalement se trouver très confortablement installés dans un régime autrefois dénoncé comme un “coup d'état permanent” par François Mitterrand.

C'est ce qui les différencie bien sûr des communistes qui travaillent au corps la société notamment la classe ouvrière. le prolétariat appelé à succéder à la république bourgeoise se voit l'acteur d'une eschatologie quasi-religieuse de l'avènement d'une société nouvelle difficilement conciliable avec la culture de compromis des socialistes et pourtant, dès l'entre-deux-guerre, les communistes vont accepter la logique du cartel et du compromis, sous l'oeil vigilant de Moscou, et ainsi participer à des expériences gouvernementales dans un régime politique qu'ils combattent toujours officiellement.

Une forme de contradiction à laquelle n'ont jamais cédé les anarchistes. le courant libertaire en France fut très fécond, ses figures intellectuelles et leurs idées très reprises par les cultures socialistes et communistes, les libertaires sont à l'origine de mouvements syndicaux et la pression exercée par ces tenants de l'action directe, de la grève à l'attentat, a conduit indéniablement au développement du droit du travail. Mais enfermés dans une sorte de pureté idéologique et progressivement marginalisés y compris par les autres cultures politiques de la gauche, les libertaires, dont le dernier fait d'arme éclatant est l'enrôlement dans la Guerre d'Espagne contre le fascisme, peinent à exister.

Vingt ans après la parution du livre en 2003 où en est t-on des cultures politiques en France ? Les cultures politiques sont mouvantes et la fin de l'hégémonie des partis comme lame de fond et rabatteur de la société politisée, mais aussi l'arrivée de la gauche et ses désillusions au pouvoir sous la Ve République et la remontée de l'extrême droite populiste ont rebattu les cartes. Les électeurs désorientés face à ces discours et valeurs fluctuants ont de moins en moins d'identité culturelle politique marquée.

Pour autant, d'Occupy Wall Street à Nuit Debout en passant par les hackers anonymes, les anarchistes n'ont pas disparus, de même que les nationalistes, qui prétendent toujours à trier le bon grain de l'ivraie et tentent le coup de poker du parti fourre-tout “ni gauche, ni droite” comme les boulangistes du XIXe siècle. Les gaullistes et les socialistes, les deux mamelles de la culture politique républicaine ont fusionné dans une sorte centrisme finalement proche du courant libéral, pouvoir à l'élite, méfiance vis-à-vis des masses partisanes, etc, de Giscard à Macron ; et une nouvelle force de gauche, l'écologie, dont l'eschatologie n'est plus celle d'un paradis païen communiste mais d'un retour à la nature autrefois prôné par des conservateurs traditionalistes a depuis émergée sur la scène politique, avec là encore son horizon utopique clé en main.

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