Il s'éloigna de quelques mètres et observa la jeune fille. Cette dernière regarda le ciel et évalua la position du soleil. Elle reposa les épées dans leur écrin, s'agenouilla face à l'Orient, et pria pendant quelques minutes. Paul ne put saisir le moindre mot prononcé lors de la prière, mais réalisa qu'il pouvait l'aider.
Il se prosterna lui aussi et murmura, à plusieurs reprises, le Pater Noster et l'Ave Maria. L'image était saisissante et aurait stupéfié quiconque aurait traversé le champs à ce moment là : une musulmane et un prêtre catholique en train de prier ensemble…
De nouveau, je me levai et fis le tour du bureau. Je tournai le second fauteuil réservé aux visiteurs et le plaçai face à celui du prêtre. J’ai pris ses mains et les serrai contre les miennes :
– Père Kaminsky, j’ai l’impression que vous aurez bientôt des nouvelles d’Elaheh. Mais vous savez, cette entente entre vous et cette jeune fille va bien au-delà de cette mission. Elle est la preuve que les grandes religions peuvent et doivent s’entendre. Vous avez, tous les deux, représenté l’union sacrée qui lie, depuis plus de mille ans, l’Islam et la Chrétienté. Et vous avez aussi prouvé que l’avenir du monde n’est possible que dans la tolérance et l’amour des autres religions.
Je pleurais toutes les larmes de mon corps, ou peut-être de mon cœur… Je ne sais pas… Cela durait depuis vingt minutes et je commençais à peine à me calmer, à réaliser… Le nom de l’endroit où je me trouvais prenait, désormais, tout son sens : la chambre des larmes.
Cette petite pièce, d’à peine trois mètres sur trois, est attenante à la Chapelle Sixtine. Son nom vient du fait que de nombreux papes y ont versé quantité de larmes après leur élection, lorsqu’ils se rendaient compte de la mission qui les attendait. Je ne dérogeais pas à cette règle.
Je m’appelle Mateo Santucci et je viens d’être élu deux cent soixante-septième Pape de l’Église catholique romaine, sous le nom de Pie XIII
« Je suis le second pape qui arrive en l’an mil qui vient après l’an Mil
Je ne peux mener à bien la mission qui m’est confiée ! Je reconnais ma peur !
Gabriel m’a visité,
Que Dieu pardonne ma lâcheté !
Que mon successeur pardonne ce que je lui laisse par ma renonciation.
Ce fardeau est désormais sien. »
Karl Wenger
Assis à mon bureau, les mains posées sur mes genoux, j’étais pétrifié. J’avais l’impression qu’une personne à l’autre bout de la pièce avait appuyé sur la touche « pause » d’une télécommande. Telle une marionnette, j’étais arrêté, mon corps ne réagissant plus.