Les Émeraudes de Satan

De nouveau, je me levai et fis le tour du bureau. Je tournai le second fauteuil réservé aux visiteurs et le plaçai face à celui du prêtre. J’ai pris ses mains et les serrai contre les miennes :
– Père Kaminsky, j’ai l’impression que vous aurez bientôt des nouvelles d’Elaheh. Mais vous savez, cette entente entre vous et cette jeune fille va bien au-delà de cette mission. Elle est la preuve que les grandes religions peuvent et doivent s’entendre. Vous avez, tous les deux, représenté l’union sacrée qui lie, depuis plus de mille ans, l’Islam et la Chrétienté. Et vous avez aussi prouvé que l’avenir du monde n’est possible que dans la tolérance et l’amour des autres religions.

Je pleurais toutes les larmes de mon corps, ou peut-être de mon cœur… Je ne sais pas… Cela durait depuis vingt minutes et je commençais à peine à me calmer, à réaliser… Le nom de l’endroit où je me trouvais prenait, désormais, tout son sens : la chambre des larmes.
Cette petite pièce, d’à peine trois mètres sur trois, est attenante à la Chapelle Sixtine. Son nom vient du fait que de nombreux papes y ont versé quantité de larmes après leur élection, lorsqu’ils se rendaient compte de la mission qui les attendait. Je ne dérogeais pas à cette règle.
Je m’appelle Mateo Santucci et je viens d’être élu deux cent soixante-septième Pape de l’Église catholique romaine, sous le nom de Pie XIII

« Je suis le pape qui arrive en l’an Mil qui vient après l’an Mil.
J’ai failli à ma mission. Je n’en ai ni la force ni le courage.
Jean de Jérusalem nous l’a dit et nous ne l’avons pas écouté.
Emmanuel Swedberg nous l’a répété et nous ne l’avons pas écouté.
Jeanne le Royer nous l’a répété et nous ne l’avons pas écouté.
Francesco Forgione nous l’a répété et nous ne l’avons pas écouté.
Lúcia dos Santos nous l’a répété et nous ne l’avons pas écouté.
C’était un devoir que je n’accomplirai pas.
Que Dieu me pardonne de te laisser un héritage aussi lourd à porter.
Tu seras mon successeur et par toi, la terrible vérité arrivera.
Gabriel te visitera et, à la face du monde, tu pleureras et reconnaîtras nos fautes.
La Véritable Église tu annonceras et sûrement tu mourras.
Avant cela, la preuve, tu découvriras. »

Karol Józef Wojtyła

« Je suis le second pape qui arrive en l’an mil qui vient après l’an Mil
Je ne peux mener à bien la mission qui m’est confiée ! Je reconnais ma peur !
Gabriel m’a visité,
Que Dieu pardonne ma lâcheté !
Que mon successeur pardonne ce que je lui laisse par ma renonciation.
Ce fardeau est désormais sien. »

Karl Wenger

Assis à mon bureau, les mains posées sur mes genoux, j’étais pétrifié. J’avais l’impression qu’une personne à l’autre bout de la pièce avait appuyé sur la touche « pause » d’une télécommande. Telle une marionnette, j’étais arrêté, mon corps ne réagissant plus.

Il raccrocha. Notre échange n’avait pas duré plus d’une minute. La voix que j’avais connue mélodieuse malgré un fort accent allemand, était devenue étouffée et glacée. Je me sentis mal à l’aise. Cette gêne n’était pas seulement due au dérangement causé à mon prédécesseur dans son lieu de quiétude ; elle venait surtout de l’attitude étrange et froide d’un homme que je savais chaleureux par nature. Il semblait avoir peur.

Je me penchai et mis mes mains au plus profond du coffre. Je fus finalement surpris par ce que j’y trouvai. Alors que je m’attendais à découvrir des bijoux, des livres ou des reliques, je n’en remontai qu’un dossier relié de cuir.

Cela faisait désormais quelques heures que j’avais été ordonné cardinal de Rome et toujours cet étrange sentiment d’être dans un monde paradoxal, dans un monde où un usurpateur venait d’être élu pape. Moi !

Je sentais derrière moi la présence de deux personnes. Je les imaginais au fond de la pièce, l’une à côté de l’autre, les visages dans la pénombre, en train de m’observer en silence.

Je pleurais toutes les larmes de mon corps, ou peut-être de mon cœur… Je ne sais pas… Cela durait depuis vingt minutes et je commençais à peine à me calmer, à réaliser… Le nom de l’endroit où je me trouvais prenait désormais tout son sens : la chambre des larmes.
Cette petite pièce, d’à peine trois mètres sur trois, est attenante à la Chapelle Sixtine. Son nom vient du fait que de nombreux papes y ont versé quantité de larmes après leur élection lorsqu’ils se rendaient compte de la mission qui les attendait. Je ne dérogeais pas à cette règle.