L'air frais et l'ordre le surprennent d'abord, jusqu'au moment où ses yeux se posent sur les dahlias rouges. Sa mère signe ses actes de tendresse comme Zorro signe ses actes de bravoure à la pointe de son épée. Il sourit intérieurement et son cafard se dissipe un peu.
La mère d'Antoine a éprouvé un soulagement joyeux en apprenant le retour de son fils. Dans son enthousiasme, elle a fait tout le trajet en bus depuis sa banlieue jusqu'à l'appartement de son garçon pour faire le ménage, aérer les pièces et remplir le frigidaire avant de reprendre le bus en sens inverse. Elle aurait aimé rester pour l'accueillir mais elle a peur de se montrer trop envahissante. Avant de partir, elle dispose les dahlias rouges cueillis le matin même dans un vase qu'elle a apporté.
Depuis toujours, Lucia Cavallero s'exprime avec des fleurs. Qu'elle visite quelqu'un à l'hôpital, qu'elle prenne le café chez un voisin, qu'elle distribue les étrennes au facteur ou aux pompiers, elle accompagne ses gestes du quotidien de magnifiques bouquets. Et les plus beaux d'entre eux reviennent naturellement à ses fils.
Vous avez sans doute entendu parler du "tout petit monde" ? Vous savez, quand vous tombez par hasard sur une personne que vous n'avez pas vue depuis des lustres ou que vous vous découvrez une connaissance commune avec quelqu'un que vous rencontrez par hasard dans une soirée ? Dans ces cas-là, on dit toujours : "Le monde est petit ! "La théorie des six degrés fait partie de l'étude du tout petit monde.
Il repère quelques tables vides puis va s'installer à celle d'où il aura la meilleure vue sur la porte d'entrée du café. Dans ce décor Art nouveau aux lustres somptueux et au sol de mosaïque il imagine mal voir entrer un caïd en blouson noir.
"Moi, si je devais trouver quelqu'un, je passerais par le maire de mon village. Il connaît le député de la région qui doit connaître le président de la République. Après, il faut juste descendre dans l'autre sens : un député d'une autre région, un maire, et on peut atteindre tous ses administrés. Je ne vois pas où est la difficulté."
Je vous retrouverai donc au café du Centre, place du Molard, à dix-sept heures.
Pendant trois jours, Antoine se balade sur Hollywood Boulevard et Rodeo Drive et visite les studios Universal sans y prendre aucun plaisir.
Malgré la brièveté du propos, Antoine identifie un accent typiquement suisse dans la voix rocailleuse et traînante.
Hier j'ai envoyé mon poing dans la figure d'un mec qui m'a traité de "niakoué". Ce crétin ne sait même pas ce que ça veut dire. Je lui ai expliqué que ce n'était pas une insulte, juste un terme péjoratif pour désigner les paysans du Sud-Vietnam, mais il continuait en tordant sa bouche, "niakouéniakouéniakoué", alors je l'ai frappé en plein sur le nez.
La voiture de location, une Hyunday i10, lui a paru de taille ordinaire sur le parking de l'aéroport, mais là, sur la highway 75, il a l'impression d'être une souris perdue au beau milieu d'un troupeau d'éléphants. Il doit slalomer entre des pick-up et des SUV , prenant à chaque instant le risque de se voir écraser par ces mastodontes indifférents.
D'emblée, cette ville lui est antipathique. Peut-être la fatigue du voyage, le regret d'avoir laissé Pauline sur ce trottoir parisien y participent-ils, mais il y a autre chose, quelque chose d'indéfinissable qui tient à l'occupation de l'espace, aux moquettes sombres trop épaisses, aux odeurs de pizzas grasses mêlées de pop-corn sucré dans le hall de l'aéroport.