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Citations sur Un Nègre à Paris (34)

Le soleil a beau luire, tant qu'il luit sur des misères, il ne réchauffe jamais les cœurs.
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Le Parisien, qui avait l'habitude poétique de déclarer son amour avec des fleurs, se présenterait maintenant un pistolet en poche.
— M'aimes-tu, " ma biche " ?
— OUI, " mon chou ".
— Jure-moi que tu m'aimes, " Ma poulette ".
— Je le jure, " mon poulet ".
Dès qu'il y a parjure, la poudre plus éloquente prend la parole. Elle est radicale. Les jurés, d'un autre âge, du temps où les fleurs avaient voix au chapitre, l'entendent autrement, et essaient par des verdicts assez sévères parfois de redonner la préséance aux fleurs. Ne sommes-nous pas au siècle de la mécanique ? Entendons-nous encore le langage des fleurs, lorsque les obus vous ont tant sifflé dans les oreilles ? C'est certainement ce qui donne aux fleurs ce balancement continuel de tête qu'elles ont. Elles regrettent, il n'y a pas de doute, les époques où les hommes avaient du temps à perdre, donc savaient vivre, aimer. On a beau les placer sur les tables, les rebords des fenêtres, dans les vitrines, elles ne sont pas dupes de leur déchéance. À peine a-t-on le temps de humer le parfum, de les admirer, de les écouter. On les garde encore par tradition sans plus comprendre leur sens. Vit-on à notre siècle de langage de fleurs ? La civilisation consiste à tirer du sol ses richesses, à faire tourner les machines, à inonder le marché de produits, à évincer les concurrents, à mettre tout un peuple au pas, à la cadence des trotteuses de montre. Elle n'a que faire de pépiements d'oiseaux, de murmures de fleurs.
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Les femmes doivent avoir bon cœur, tant elles aiment sourire. Et toujours occupées à se mettre du rouge sur les lèvres pour rehausser l'éclat de la blancheur de leurs dents. J'y suis déjà si habitué qu'une femme sans rouge me paraît une femme malade, dont les couleurs ont pâli. Elles sentent tellement l'outrage du temps qu'elles passent leurs instants à en réparer les effets. La Parisienne ne nous trompe pas en se fardant. Elle entend tromper le temps ; elle veut l'user, le décourager, le vaincre. Mais y a-t-il au monde un élément plus patient, plus têtu, plus cruellement têtu que le temps ?
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Lorsque Dieu créa les hommes, il les mit à cuire dans un four. Dès les premières flammes, le blanc se sauva, puis les autres le suivirent à mesure que la température montait. Seuls nous autres, bravement, pour prouver à Dieu qu'Il venait de créer des hommes, restâmes dans le four jusqu'à ce que Dieu jugeât l'épreuve suffisante. J'ai donc toujours cru que ces hommes blancs avaient un corps froid. Erreur dont il faut revenir. Ils ont le corps chaud, et d'une chaleur douce, égale, délicate. Gardons-nous de juger sur l'apparence, sur la peau.
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Ce qu'il faut admirer chez ce peuple, c'est le souci de ne déranger personne, de donner à chacun sa place. Aussi suis-je seul à ma table. Prend-on une chaise près de moi, on ne manque jamais de poser la question rituelle : « Est-elle occupée Monsieur ? » Un peuple poli qui vous laisse poliment dans votre coin lorsque vous persistez à y rester. Il peut vous aider à " monter " mais à condition de ne pas le décourager. Et c'est tout un problème de ne pas le décourager. Oh ! pas pour nous, mais pour certains. Le Parisien met quelque temps à vous adopter. Il garde de son vieux fond un petit reste de méfiance.
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Un amour imposé n'est jamais durable.
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Aux murs, des statues de saints et parmi eux pas un seul Noir. Je te le répète. Nous n'avons pas encore droit de cité dans le Paradis. Nous devons sans doute effrayer terriblement saint Pierre qui nous dirigerait plutôt vers Belzébuth à cause de la couleur de notre peau. Il nous prendrait pour des diablotins en maraude venant lui chercher une querelle d'Allemand. On pencherait à croire que c'est à cause de nous qu'il porterait les clefs sur lui. Nous sèmerions le trouble parmi les paisibles habitants du Paradis. Un repos si bien conquis se savoure… Voilà ce que nous avons récolté à rester confinés chez nous. Espérons que lorsque nous serons assez connus, on nous octroiera un saint. Il faudrait alors au diable trouver une autre couleur. Ce ne sera pas facile.
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Le commissaire de police prête la main au juge, puis au gendarme qui la prête à l'huissier, au régisseur de prison, et tout cela sans intention caractérisée de violer les droits souverains du peuple. L'on se prête main forte, pas plus. Et prêter n'est pas toujours donner, ni tenir. Mais les mains à force de se prêter trouvent intérêt à se tenir, à s'unir, à se dresser en barrière si opaque que les individus parlent de gouvernement partisan. Partisan de quoi ? Et depuis quand un gouvernement n'est-il pas partisan, n'est-il pas au service d'un groupe, de ceux qui en vivent et pour lesquels il existe ? Changeant de mains, il passe d'un partisan à l'autre.
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Certes les femmes mariées portent un anneau mais elles éprouvent un malin plaisir ou à ne pas toujours le porter ou à se ganter. Partout les mêmes, les femmes ! Si on ne leur avait pas donné cette bague, elles en auraient fait des drames ; maintenant qu'elles l'ont, elles en sont embarrassées. En cela, elles ressemblent aux nôtres.
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Lorsqu'on demande à un commerçant, à un cultivateur à quel titre ils parlent, ils doivent répondre sans l'ombre d'une hésitation et avec conviction : « Je parle en tant que commerçant, en tant que cultivateur. » Titre devient référence et vous situe immédiatement dans l'esprit de votre interlocuteur, un esprit fait de casiers, de tiroirs, de classeurs. Si vous êtes cultivateur, il vous demandera aussitôt, à titre de pure information, que cultivez-vous, et la conversation ainsi aiguillée suivra son cours sans dérailler. Il sortira même sa seconde mémoire qu'il porte en poche pour enregistrer votre adresse. Sait-on jamais dans la vie ? Le Parisien sous son air léger, bonhomme, est un être pensant constamment à l'avenir et qui met tout en œuvre pour que cet avenir se présente à lui sous un jour agréable. Il tient à créer son avenir en ne comptant que sur lui-même.
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