AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le music-hall des espions (33)

Sur les jonques amarrées en chapelet, des enfants jouaient cul nu avec des chatons ; des vieilles sous un chapeau de paille préparaient la tambouille ; une femme, un bébé en écharpe, puisa un seau de l'eau du fleuve sur lequel ces gens naissaient, crachaient, pissaient et chiaient avant de mourir.
Des sampans étaient des bouis-bouis, d'autre des tripots et des femmes se prostituaient au fond des cabines. Quand on louait ces taxi-sampans, il était recommandé de se tenir su le pont à cause de la vermine qui grouillait dans les bannettes.
Des coolies gravissaient d'un pas lourd de pénitent les escaliers du quai. En haut, la bousculade les happait, eux et leurs charges. Au milieu de la cohue flânait, les mains derrière le dos, un vieillard - une petite boule chauve aux jambes arquées. Il inspectait les carpes et autres poissons éviscérés, décapites qui séchaient sur des claies, les abats de porcs baignant dans leur sang sur des nattes à même le sol, les pigeons, les canards et les poulets terrifiés dans des cages trop étroites que venaient flairer des chiens galeux.
Commenter  J’apprécie          150
En sortant du wharf, la Chine lui sauta à la gueule. Son œil se raccrochait aux marques en lettres latines sur les affiches couvertes d'idéogrammes comme une main à une rampe d'escalier : Lion Beer, Coca Cola, Cigarettes The Three Castles, Hatamen Cigarettes, Whisky Black and White, Kennien Cigarettes, Lactogen...
Le chauffeur conduisait par à-coups, pilant devant les pousse-pouse qui déboîtaient à l'improviste, cornant les charrettes croulantes sous les jarres et les sacs tirées par des ânes.
Par la vitre baissée entrait une humidité sentant les eaux usées, le pétrole, l'âcreté du charbon et l'huile de friture des cantines ambulantes. Ce n'étaient que des popotes dans des carrioles à bras, parfois un tricycle, où cuisait l'ordinaire des coolies : quelques légumes pour faire passer le bol de riz qu'ils enfournaient dans leurs bouches à grands coups de baguettes, accroupis dans les caniveaux ou appuyés contre un mur.
Commenter  J’apprécie          150
"Elle lui dit, tristement sérieuse :
- Emmène-moi avec toi ! …
Il était surpris. Yiyi avait la réputation de ne pas coucher. Il avait essayé plusieurs fois de l’entraîner dans l’hôtel de Ningpo Road ; elle l’avait envoyé balader. Aucun des habitués du Venus ne pouvait, d’ailleurs, se vanter d’avoir eu une liaison avec elle.
-… Je ne veux pas dormir seule cette nuit, dit-elle avec une sorte de crainte ou de honte - en tout cas une grande faiblesse.
- Tu es malheureuse ?
- J’ai besoin d’être avec quelqu’un ce soir… Tu pourras me baiser… La vulgarité du mot le choqua, il était si peu dans les manières de Yiyi. -… Je ne veux pas rester ici… cet endroit m’écœure.
Elle était déterminée et son désarroi, évident. Alors, il accepta. "
Commenter  J’apprécie          60
Ton magicien n'a aucune importance intrinsèquement, c'est le portrait qu'on fait de lui qui en a....
... vois-tu mon garçon, ce ne sont pas les faits qui comptent, mais leur apparence. Comme au music-hall où l'on fait croire au public qu'un lapin sort véritablement d'un chapeau, les illusions que nous fabriquons sont la vérité. Nous sommes des magiciens nous aussi, nous faisons du vrai avec le faux...
Commenter  J’apprécie          50
" La misère des hommes imprégnait ces faubourgs. Ici échouait le trop plein des campagnes chinoises. Ces très pauvres venus dans l’espoir d’entrer dans la ville trouvaient porte close. Ils restaient sur le seuil. Ils n’avaient le droit d’entrer que temporairement, en tirant une charrette ou une pousse ou nuitamment parce que les citernes à bras dans lesquelles ils vidangeaient les seaux de merde et de pisse déposés le soir devant les portes empestaient. Shanghai faisait à ce rebut d’humanité - aux ferrailleurs, aux chiffonniers, aux vidangeurs qui squattaient les faubourgs du sud - l’aumône de ses ordures.
Ces exclus s’étaient construits une parodie des concessions qui les refusaient dotée cercles de jeux - une table sous un toit de chaume et quelques dominos - de fumeries d’opium où couchés sur une planche ils oubliaient leur damnation, de bordels aux putes bannies du port parce que vérolées au dernier degré. Et ses charlatans arracheurs de dents et dont les faux médicaments aggravaient les maladies vénériennes. Et ses usuriers.
Sur la rive française, entre les troncs entortillés de barbelés des eucalyptus que l’effort de pousser sur la pente trop raide de la berge tordait, des casemates et des postes de tir. Des sentinelles veillaient de ci de là que la misère restait bien sur la rive opposée. "
Commenter  J’apprécie          50
"L’automobile entra dans le District Central, vertical et ordonné. Carrés, construits avec les techniques anglo-saxonnes les plus modernes pour vaincre la pesanteur, les buildings du Bund défiaient le temps et la banqueroute. Les banques et les compagnies qui comptaient à Shanghai voulaient rassurer actionnaires et clients sur la pérennité de leurs affaires en s’installant dans ces immeubles connus sous le nom de leurs propriétaires. S’affirmaient ainsi crûment, par le ciment et la brique, le pouvoir de l’argent et le triomphe du commerce sur toute autre considération. Mais l’abus de colonnades, l’excès de corniches, les balcons superflus, le rajout de tourelles donnaient à ces façades percées de portes de bronze que les concierges astiquaient pour qu’elles brillassent comme l’or, non pas une grandeur majestueuse, mais une froideur hautaine.
Les autos garées au milieu du Bund traçaient une frontière entre la foule en costumes blancs bien repassés et en robes légères qui entrait et sortait des banques et la masse crasseuse des pousse et des coolies qui guettaient à la sortie des pontons les passagers et les ballots qui débarquaient."
Commenter  J’apprécie          50
"Le colonel eut un sourire, celui qu’on a quand se débarrasse d’un fardeau :
- L’Histoire n’a que faire des regrets et des remords. Je ne regrette rien et je n’ai pas de remord. L’Histoire a une fatalité, elle nous confie un certain rôle à jouer à un moment donné. Nous devons jouer ce rôle. Quand les circonstances changent, ce rôle se termine. "
Commenter  J’apprécie          30
"Il imaginait maintenant la douche mouillant les seins, le ventre, ruisselant entre les cuisses. Il avait eu un avant-gout de ce corps. Mais sur la piste de danse il y avait les vêtements, et le regard des autres. Comment sera son abandon dans le secret du lit ? Il cherchait à deviner, et la jeunesse et son espérance revinrent, ce retour enivrant était une rédemption : Shanghai réservait aussi ce plaisir - une femme qui se donne quand on a fini de l’espérer."
Commenter  J’apprécie          30
"Les néons du plafond rebondissaient en se démultipliant à l’infini dans les miroirs qui couvraient les murs d’un bout à l’autre. Dans ce piège de lumière, l’ivresse des hommes se dénonçait et le maquillage des femmes prenait une consistance de cire. Sur la piste de danse, les hommes en bras de chemise, le dos mouillé de sueur, enlaçaient des taxi-girls chinoises en cheongsam, russes en jupe et en corsage ou japonaises parées de kimono. Le tourbillon chatoyant des danseuses faisait penser à des papillons prisonniers d’un bocal."
Commenter  J’apprécie          30
Ni la pitié, ni la honte, encore moins le désespoir, aucun sentiment ne modérait la rage de vivre de cette foule. Elle n'admettait aucune faiblesse, tant qu'elle pouvait mettre un pied devant l'autre, elle marchait. Elle pliait dans le malheur, subissait, se relevait...et poursuivait sa course. Ce contre quoi les concessions se barricadaient, dressaient des barbelés, installaient des postes de mitrailleuses, n'était pas les voleurs, les kidnappeurs et les exterminateurs, mais cette foule...Les concessions adoraient l'argent, ne vivaient que pour l'accumuler. Sous cette passion immodérée, derrière la cupidité qui unissait étrangers et Chinois riches dans une complicité de convenance, couvait la hantise de la misère, la peur viscérale des pauvres.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (19) Voir plus



    Quiz Voir plus

    L'Année du Dragon

    Ce samedi 10 février 2024, l'année du lapin d'eau laisse sa place à celle du dragon de bois dans le calendrier:

    grégorien
    chinois
    hébraïque

    8 questions
    129 lecteurs ont répondu
    Thèmes : dragon , Astrologie chinoise , signes , signes du zodiaques , chine , culture générale , littérature , cinemaCréer un quiz sur ce livre

    {* *}