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Critique de LaSalamandreNumerique


Ce livre, édité par Casterman est d'une assez jeune autrice, Léonie Bischoff (39 ans) et a, fort judicieusement, été soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles (Commission d'aide à la bande dessinée). Judicieusement car c'est, selon moi, une très grande réussite.
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« Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges » nous propose, sur 190 pages, un moment critique de la vie de Churchill (Mais non, faites un effort !), de… Anaïs Nin. Pour qui l'ignorerait cette romancière (1903-1977) est avant tout connue du grand public pour être « la première femme à avoir écrit de la littérature érotique ». Elle a aussi tenu un, sulfureux pour l'époque, journal intime et été l'amante de plusieurs grands écrivains, à commencer par Henry Miller (et son épouse). Elle se sera passionnée pour la psychanalyse. Ses origines (fille d'un compositeur et pianiste cubain d'origine catalane, et d'une chanteuse d'origine franco-danoise) de même que son rapport « particulier » à son père, sa naissance en France suivie de son départ pour New-York à l'âge de 11 ans achèvent de poser le décor à savoir celui d'une femme à la vie extraordinaire.
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Ici nous découvrons Anaïs jeune mariée mais qui étouffe un peu dans cette vie. Son mari, qu'elle rêvait artiste, est devenu banquier, sa vie sexuelle ne l'épanouit pas pleinement… Nous suivrons donc quelques années de son existence tumultueuse, celles où elle va mieux se découvrir, tant comme écrivain que comme femme, en particulier au contact de Henry Miller. Elle se départira progressivement de son désir de fidélité et s'assumera, à la fois comme polyamoureuse, comme amante et comme une femme écrivain refusant résolument de plagier les hommes, d'écrire comme eux. C'est donc une conquête vers une liberté, une compréhension de soi et un épanouissement personnel qui nous est proposé ici, avec ses errances, parfois ses égarements, ses moments de culpabilité, ses clivages mais aussi ce farouche besoin d'être, intégralement et sans rien renier de soi. La mise en parallèle entre ses cheminements amoureux, sexuels et artistiques est très intéressantes et a un côté freudien certain. Cette femme peut sembler immorale et l'est d'une certaine façon mais elle n'a rien non plus d'une inconsciente et elle tente simultanément de ménager ceux qui l'entourent, ce qui est difficilement conciliable avec une vie libre, un dilemme qui n'a rien de très surprenant ni novateur pour la plupart d'entre nous… mais qui prend tout son sens pour une femme au début du XXe siècle, avec les pesanteurs sociales infiniment plus importantes qui régnaient.
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L'objet-livre est très beau, avec un papier épais, qui évite le rendu trop blanc et qui se marie donc à la perfection avec des dessins semblant fait aux crayons de couleur à la mine multicolore, des tons pastels, assez peu de couleurs en général et des visages très expressifs (le rendu des regards est remarquable). L'objet a pour moi un côté très « féminin », sachant marier une très grande élégance, un aspect poétique et une expression nette de la sexualité, cette dernière n'étant pour autant jamais « crue » et vulgaire. Il y a ici une évidente concordance avec le projet artistique d'Anaïs Nin.
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Je conseille cet ouvrage à tout amateur de beaux romans graphiques, à qui aimerait en savoir plus sur cet écrivain comme à qui s'interroge sur sa vie, sur l'équilibre à trouver entre liberté personnelle et stabilité, entre exploration de relations multiples et volonté de ne pas causer de souffrances à autrui, à qui s'intéresse aussi aux conséquences sur une enfant d'une séparation parentale car cette dimension est assez présente et traitée de façon fine, de même que la difficulté à se (re)construire après avoir grandi un temps dans la présence puis dans l'absence d'un père "particulier" (disons). Je conseille toutefois à qui envisage d'acheter ou d'offrir ce livre de vérifier que le dessin le séduit (il est très personnel et doit donc pouvoir déplaire autant que charmer) et préviens que la liberté d'Anaïs, son manque de tabous physiques et moraux, peut choquer. de la même façon et même s'il n'y a aucune vulgarité, certaines images sexuelles sont assez explicites.
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