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Critique de nilebeh


« Toi, de toute façon, tu n'as jamais été un vrai pied-noir ».
Voilà la phrase assassine prononcée par son père qui va pousser Thomas Cortès à plonger dans les souvenirs de son père durant ces heures où, accroché au bateau sur lequel il ne peut remonter, il va attendre dans l'eau... Quoi ? La mort par hypothermie? La rédemption et le pardon ?
Et c'est une vraie leçon d'histoire, le témoignage d'un « Pied-Noir » qui nous est rapporté.
Avec un retour aux années de honte en Espagne, quand en 1492, Isabelle la Catholique a promulgué le décret de l'Alhambra qui donnait un mois aux juifs d'Espagne pour plier bagages et quitter le pays, avec interdiction d'emporter or et argent. Tout leur était devenu interdit, l'école, le travail - y compris le commerce - Les musulmans chassés par la Reconquista, il fallait encore se débarrasser des juifs...On a vu alors des parents affolés marier dans l'urgence des gamins de douze ans, le départ des « couples » étant réputé plus facile ! Les chiffres manquent de précision : pour quelques dizaines de milliers de juifs convertis au catholicisme mais qui pratiquaient en secret leur propre religion, les « marranes » et restés sur place, combien de centaines de milliers sont partis, au Maghreb et dans toute l'Europe ?
Et quand on sait que ce décret n'a été abrogé qu'en 1967... !
Ce sont ces juifs d'Algérie dont on va nous parler, mal perçus par les autochtones algériens, par les colons français, trop voyants, trop arrogants, surtout : trop riches !
En 1940, le gouvernement de Vichy interdit à Manuel Cortès d'entrer à l'Université, alors que ses deux frères font la guerre ! Pétain prononce la déchéance de citoyenneté pour les juifs en Algérie : ils perdent tout, profession, revenus, droit d'aller à l'école. Albert Camus est renvoyé de son poste de professeur, ce qui sera peut-être à l'origine de l'écriture de « La Peste ».

Manuel Cortès, le père de Thomas qui lutte dans l'eau de la Méditerranée, a participé aux grandes batailles de la guerre de 1939-1945, notamment à celle de Monte Cassino en Italie. Il raconte la vie de ces goumiers, soldats d'Afrique du Nord et d'Afrique noire, connus pour leur courage et leurs faits d'armes mais aussi pour leurs exactions. Manuel entend encore les hurlements des nonnes violées, ceux des hommes émasculés devant leurs femmes... L'auteur ne nous épargne (presque) rien des horreurs de la guerre, y compris de celle de l'indépendance de l'Algérie. A cette occasion, Manuel, médecin militaire, travaillera comme un forcené pour épargner la vie autant des uns que des autres, serment d'Hippocrate oblige, s'attirant ainsi la haine des deux camps.
Et quand il sera rapatrié vers la France, lui, le chirurgien honnête, se verra rejeté par ses confrères, obligé de renoncer à la chirurgie et à ouvrir un modeste cabinet de généraliste. Avant d'être recruté par la CGT pour devenir un médecin social, aux appointements modestes mais heureux d'être utile à des patients peu favorisés par la vie.

Un beau roman, sans parti pris, bien documenté et vivant. Sans doute le résultat d'une expérience personnelle...
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