J'ai finalement été très intéressée par ce livre qu'une abonnée de la bibliothèque m'avait chaudement recommandé et que j'avais commencé un peu à reculons, poussée par son enthousiasme. Je ne suis pas une lectrice assidue de
Proust, mais j'ai trouvé certains aspects de la biographie que nous livre
Evelyne Bloch-Dano très éclairants. L'autrice divise son ouvrage en trois parties correspondant chacune à une époque particulière de la vie de Madame
Proust. La biographie commence comme un roman en prêtant des pensées au personnage de Jeanne Weil à propos du médecin déjà très connu qu'elle s'apprête à épouser :
Adrien Proust, de 15 ans son aîné. Suivent des considérations sur les motifs de ce mariage « mixte » très révélatrices des mentalités de l'époque. Adrien est un médecin reconnu et respecté, voire célèbre, mais fils d'épicier. Pour sa part, la famille de Jeanne est riche, mais juive. Ce mariage de raison avantage l'un et l'autre des partis. Les deux arbres généalogiques des ascendants paternels (les Weil) et maternels (les Berncastel) de Jeanne se révèlent indispensables pour ne pas se perdre dans les liens familiaux. Un autre arbre explicite la lointaine parenté de
Proust avec
Karl Marx. On comprend vite que Jeanne Weil est une femme remarquable. Son niveau d'instruction dépasse de loin celui de la plupart des femmes de l'époque (et de beaucoup d'hommes !) : elle parle couramment plusieurs langues, joue du piano avec talent, possède une solide culture littéraire et s'ouvre volontiers aux nouveautés. Bien sûr, la biographie s'attachera particulièrement aux relations de Jeanne avec son fils aîné Marcel et le soutien sans faille qu'elle lui apporte, mais l'autrice développe aussi plusieurs autres personnages de la famille dont l'influence dans l'oeuvre de
Proust s'avère évidente. Je me bornerai à citer Adèle, la mère de Jeanne, la grand-mère de Marcel. Les fréquents séjours à Illiers et à Auteuil inspireront Combray, et on les retrouve dans
La Recherche et dans
Jean Santeuil. Pour Jeanne, la vie quotidienne à Illiers n'est pas une partie de plaisir. Elle s'y sent isolée et s'estime tenue de fréquenter l'église… Plus tard, l'éducation de Marcel, son asthme et ses pratiques particulières causeront beaucoup d'inquiétude au docteur
Proust qui tentera d'y remédier par les moyens en vogue à l'époque, sans beaucoup de succès. Les nombreuses anecdotes qui renvoient à l'oeuvre de
Proust permettent un éclairage totalement nouveau pour moi, et la relation fusionnelle entre Jeanne et Marcel revient comme un motif qui prend tout son sens dans les détails de la biographie tout en éclairant l'oeuvre.