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Citations sur Le monde terrible (57)

Dans le chœur de l'église, une fille chantait
Tous les harassés en des terres lointaines,
Tous les navires en allés sur la mer,
Et tous ceux qui ont oublié leur joie.

Ainsi s'envolait sa voix sous la voûte,
Un rayon scintillait sur son épaule blanche,
Et chacun, dans le noir, écoutait, regardait
La robe blanche dans le rayon qui chantait.

Et l'on crut alors que la joie s'annonçait,
Que tous les navires dans les anses paisibles,
Que tous les harassés des terres lointaines
Retrouveraient enfin une vie de lumière.

Et sa voix était douce, et le rayon si fin,
Et seul, tout là-haut, près de la Sainte Porte,
Aux Mystères Initié - un enfant pleurait,
Parce que personne jamais ne revient.

Août 1905
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Je sais entendre dans les bribes de mots
Le pas brumeux des autres mondes
Je sais suivre le sombre envol du Temps,
Je sais chanter avec le vent...
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Dans les bribes de paroles
J'entends la marche brumeuse
des autres mondes
et du temps le sombre vol.
Je sais chanter avec le vent...
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Sur terre, j’ai tourné dans un bal flamboyant,
Danse sauvage de masques et de visages,
J’y oubliai l’amour, j’y perdis l’amitié.

(Chant de l’enfer, octobre 1909)
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La nuit. La ville s’est assagie.
Derrière la grande fenêtre,
Dans un doux silence solennel,
Comme si quelqu’un allait mourir.

Mais ce n’est qu’un homme simplement triste,
Déçu par la malchance,
Qui, le col ouvert,
Contemple les étoiles.

« Étoiles, étoiles,
D’où vient cette angoisse ? »

Et les étoiles racontent.
Elles racontent tout, les étoiles.

Octobre 1906
(p. 148-149)
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Je marchais dans la nuit pluvieuse,
Et, à la fenêtre d'une vieille maison,
Je reconnus les yeux songeurs
De ma douleur- En larmes, solitaire,
Elle fixait les horizons humides...
Je restais là, à l'admirer,
Comme si j'avais, sous ses traits,
Reconnu ma jeunesse enfuie.
Un regard. Et mon coeur se serre,
La lumière s'éteint. C'est l'aube.
Et le matin humide toque
A sa fenêtre abandonnée.
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Le masque de neige (1907)

Tourment


Cœur, entends-tu
Le pas léger
Derrière toi ?

Cœur, vois-tu ?
Quelqu'un te fait signe,
Un signe furtif de la main.

Est-ce toi ? Est-ce toi ?
La neige tourbillonne,
Le croissant se fige…

Est-ce toi qui descends ?
Est-ce toi qui m'emmènes ?
Toi, dont je suis épris ?

Au-dessus des neiges sans fin
Envolons-nous !
Par-delà les mers brumeuses,
Brûlons jusqu'au bout !

Oiseau du tourbillon,
Aux sombres ailes,
Donne-moi deux ailes !

Qu'avec toi, chère à mon cœur,
Dans le cercle de lune d'argent,
Mon âme se languisse !

Que les braises de l'hiver
Calcinent la croix
Lointaine et menaçante !

Que nous volions, flèches sifflantes,
Vers l'abîme des étoiles noires.
4 janvier

p.161-162
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Livre deuxième 1904-1908

LA VIOLETTE DE LA NUIT
Songe


Les jours incertains ont passés
Et des nuits indifférentes,
Et pourtant, je ne puis oublier
Ce que je voudrais vous conter,
Ce qui en songe m'arriva.

La ville nocturne était restée derrière moi,
Une pluie fine commençait à tomber.
Au loin, tout au bout, là-bas,
Où le ciel, las de dissimuler
Les actes et les pensées de mes concitoyens,
S'abat dans le marais,
Là-bas rougeoyait le bandeau du couchant.

En quittant la ville,
Je suivis lentement la pente
D'une rue aux maisons clairsemées,
Et mon ami m'accompagnait, je crois.
En tout cas, s'il avait marché près de moi,
Il ne dit mot tout le long du chemin.
Lui avais-je demandé de se taire
Ou était-il lui-même d'humeur mélancolique ?
Cependant, étrangers l’un à l’autre,
Nos visions étaient différentes :
Il voyait une voiture découverte,
Avec des gandins jeunes et chauves
Etreignant des femmes maquillées.
Il ne semblait pas surpris davantage
Par ces demoiselles regardant aux fenêtres,
Cachées derrière des œillets d'Inde…
Mais voilà que tout devient gris et sombre,
Comme le regard de mon compagnon,
Et d'autres désirs, certainement,
Eurent raison de lui,
Quand il disparut au coin de la rue,
Sa casquette enfoncée sur la tête,
M'abandonnant à ma solitude
(J'en fus infiniment heureux,
Car qu'y a-t-il de plus agréable au monde
Que de perdre ses meilleurs amis ?).

p.102-103

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L'inconnue.

« Au-dessus des restaurants, le soir,
L’air est épais, sauvage et lourd,
Et règne sur les cris d’ivrognes
Un souffle de printemps malsain.

Au-dessus des rues poussiéreuses,
De l’ennui des villégiatures,
Luit le bretzel du boulanger,
Un enfant pleure quelque part.

Et aux barrières, chaque soir,
Le melon collé sur l’oreille,
Les hâbleurs patentés promènent
Des dames dans les fossés.

Les tolets grincent sur l’étang,
Une femme glapit au loin,
Et, dans le ciel, on voit le disque,
Blasé, stupide, grimacer.

Et chaque soir, mon seul ami
Vient se refléter dans mon verre,
Comme moi il est étourdi
Par le liquide âpre et étrange.

Tandis que les laquais somnolent
Plantés près des tables voisines,
Des ivrognes aux yeux de lapin
Proclament : « In vino veritas ! »

Et chaque soir, à l’heure dite
(Ou est-ce un songe qui me vient ?),
Une taille svelte, serrée de soie,
Paraît dans la vitre embrumée.

Et, passant entre les ivrognes,
Toujours seule, d’un pas lent,
Sentant le parfum et la brume,
Elle s’assoit près de la fenêtre.

Et les légendes d’autrefois
Imprègnent la soie élastique,
Les plumes noires de son chapeau
Et les bagues à la main étroite.

Charmé par l’étrange présence,
Au-delà de ce voile noir,
Je vois un rivage enchanté,
Je vois un lointain enchanteur.

J’ai la garde d’obscurs mystères,
Je dois veiller sur un soleil,
Et l’âpre vin a pénétré
Tous les méandres de mon âme.

Et les plumes d’autruche penchent,
Se balancent dans mon esprit,
Et ces yeux bleus, ces yeux sans fond
Sur le rivage, au loin fleurissent.

Mon âme recèle un trésor,
La clef m’en a été confiée !
Tu as raison, ivrogne, je sais :
La vérité est dans le vin. »
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"À pas très lents, la raison me quittait
Devant la porte de l’aimée.
La nuit chassait le printemps clair
Tandis que mon désir croissait.

Pleurant, de passion épuisé,
J’étouffais des sanglots amers.
Et remuait, se dédoublant,
La pensée insensée, dolente.

Elle a pénétré le silence
De mon âme qui délirait,
Elle a submergé mon printemps
De sa vague noire et muette.

La nuit chassait le printemps clair,
Mon coeur se glaçait sur la tombe.
À pas très lents, la raison me quittait,
Je pensais froidement à l’aimée."
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