Débutants

Malgré l'accélération spectaculaire produite par la succession d'âges technologiques que nous traversons depuis depuis la révolution industrielle, nous sommes loin d'avoir atteint la plénitude et l'équilibre où les Magdaléniens étaient parvenus après 40 000 ans. Nous avons expérimenté toutes les formes possibles de domination les uns par les autres et nous sommes devenus les prédateurs de nous-mêmes. Nous avons érigé l'accumulation de biens en dogme tout en étant incapables de garantir à nos congénères des conditions de vie digne et stables. Lorsque nous avons formulé des idéaux, nous les avons trahis. Et il semble qu'aucune réponse spirituelle existante ne soit à la hauteur de nos angoisses et de nos frustrations.

_ Mais pourquoi ont-ils disparu alors, ces Magdaléniens s'ils étaient si parfaits ?
_ Le climat. Quelques degrés de plus et voilà. La forêt remplace la steppe, les grands animaux refluent, l'équilibre est rompu. L'espèce consacre toute son énergie à survivre, les savoirs se perdent, l'art disparaît. À peine quelques millénaires et pffffttt.

(...) Néandertal est le seul homme préhistorique autochtone en Europe, et à ce titre, il est votre ancêtre un peu plus que le mien. Mais qu'est-ce que j'apprends ? Que cette sculpture a été inaugurée en 1931, sous le titre de l'homme primitif. Alors là, je suis obligé de pointer deux ou trois choses très intéressantes. Le contexte tout d'abord : 1931, c'est l'apogée de l'expansion coloniale française. La France est persuadée de la supériorité de sa civilisation. Elle met en spectacle cette supériorité lors de la grande exposition coloniale présentée cette année-là au parc de Vincennes, la plus importante du genre. Le badaud français a pu y observer dans des sortes de vivariums en plein air quelques spécimens de ces hommes primitifs venus d'Afrique et d'Asie que la France s'est fait le devoir de civiliser. Des zoos humains. Vous savez tout cela. Passons.
1931. L'époque ne sait pas penser autrement qu'en termes de hiérarchie des races. Les premiers paléontologues n'échappent pas à ce paradigme. Puisque l'archéologie leur révèle que deux lignées humaines se sont côtoyées en Périgord vers moins 50 000, ils ne peuvent s'empêcher d'en décréter une primitive, l'autre civilisée. Ironie du sort - qui ne pouvait que leur échapper, car l'origine africaine de Sapiens n'était pas encore établie : ils relèguent Néandertal, l'Européen, au statut de primitif, et intronisent Sapiens, l'Africain, comme civilisé.

Il faut savoir qu'à l'époque où nos ancêtres venaient graver ces grands animaux dans la grotte, le climat n'était pas du tout celui d'aujourd'hui. Il faisait beaucoup plus froid, à peu près comme en finlande de nos jours. On n'aurait pas pu cultiver de la vigne sur les coteaux de Bergerac ! Ce que nos ancêtres représentaient sur les parois des grottes, c'étaient les grands animaux qu'ils chassaient : des rennes, des chevaux, des bisons, quelques mammouths laineux. Ils passaient beaucoup de temps à les observer. Ils n'avaient rien d'autre à faire.