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Critique de Eve-Yeshe


Louis Claret est un professeur d'anglais, proche de la retraite mais toujours investi dans son travail, s'intéressant encore à ses élèves et tenant bien sa classe. Pourtant, il est désabusé et se replie sur lui. Sa femme l'a quitté et s'est mise en couple avec Gauthier ; ses filles sont adultes et ont fait leur vie sans lui, l'une ayant suivi son compagnon au Canada, et leurs relations sont distantes, rares, réduites au minimum syndical.

« On connaît si peu ses propres enfants, au fond. On connaît si peu les autres, en général. On ne fait que projeter sur eux les fantasmes qu'ils nous inspirent. » P 29

Lui, qui est plutôt du genre solitaire, voire misanthrope, décide de se rendre à l'exposition d'en de ses anciens élèves, Alexandre Laudin, devenu un peintre reconnu sur le plan international et qui a décidé d'exposer dans sa ville natale.

Alexandre lui fait une proposition « indécente » : poser pour lui, ce que Louis accepte, et peu à peu, les temps de pose étant longs, les souvenirs personnels remontent : l'enfance, les parents, les copains, son couple, et beaucoup d'autres choses encore… Au fur et à mesure que se met en place cette mise à nu, les deux hommes échangent, se livrent.

En fait, je m'imaginais cet homme renfermé sur lui-même, sans être sorti de sa ville d'origine, puisqu'il enseigne au même endroit depuis des lustres, et on découvre qu'il a voyagé, les capitales qu'il a aimées, tout ce qui l'a touché sans qu'il ne montre quoi que ce soit au niveau émotionnel. On effeuille la marguerite et les émotions, la sensibilité remontent. Il est lucide, ne se fait aucune illusion sur la vie et l'époque actuelle :

« Plus loin, une famille ou ce qu'il en reste. Les quatre membres sont collés à leur téléphone portable respectif. Les écrans se reflètent sur leurs visages. Ils ont à peine touché à leurs plats. Ils sont d'ores et déjà virtuels. » P 85

Quel personnage attachant, ce professeur ! le voir fouiller dans les cartons au fond du garages les carnets de notes et photos de classe qu'il a conservés, c'est émouvant et je me suis dire que j'aurais bien aimé qu'une de mes profs ait gardé quelque chose de moi !!!


Alexandre Laudin est un personnage complexe, déroutant, parfois même malsain, qui a gardé un bon souvenir de Louis quand il était son professeur et ses toiles sont à son image, déconcertantes elles-aussi. la relation qui se met en place entre les deux hommes est ambigüe mais captivante.

« Sur les photographies parues dans la presse, il fixait l'objectif d'un oeil dur et presque insolent. Il respirait l'argent et l'estime de soi. » P 14

Ce roman offre également une réflexion sur le temps qui passe, la manière dont peut l'utiliser ou le laisser filer, sur la famille, celle d'où l'on vient et celle qu'on a tenté de construire, et sur ce que l'on fait de nos vies en général : spectateur ou acteur...

Jean-Philippe Blondel sait très bien raconter ces atmosphères troubles, ces amitiés étranges qui peuvent se tisser entre deux êtres aux milieux complètement différents et on se laisse porter par cette histoire, ces couleurs qui sont une trame du roman et dont les noms sont les titres des différentes parties du livre, montrant ainsi la progression de cette mise à nu : anthracite, terre d'ombre, incarnat, horizon

« Un jour, j'apprendrai les couleurs, parce que, quand on maîtrise les couleurs, alors on peut chasser le noir. » P 170

J'ai bien aimé la couverture de ce roman: ce fond rouge qui fait penser à un divan de psychanalyste, le titre écrit sur une toile de peintre encadrée et l'ombre discrète, en dessous du tableau, le tout évoquant une vie qui se raconte, se dévoile peu à peu… (Le signifiant et le signifié serait tenter de dire Jacques Lacan?)

J'ai découvert cet auteur avec « Un hiver à Paris » qui m'avait bien plu et j'avais continué avec « 06h 41 » et celui-ci me semble encore plus abouti, plus fouillé encore dans l'étude des personnalités des héros. Donc un bon cru 2018 !
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