Citations sur Par instants, la vie n'est pas sûre (64)
Pour écrire ce livre, mon cher Pierre, s'il le devient, je vais laisser venir les souvenirs. Le laisser mijoter. Mijoter. J'aime beaucoup ce mot généralement utilisé en cuisine. Le Petit Robert le confirme : "Faire cuire ou bouillir lentement, à petit feu. Préparer (un mets) avec soin, avec amour, attendre en réfléchissant." "Qu'est-ce qu'il mijote ?" : une lettre à Pierre Dumayet. (p. 17-18)
N’ayant pas Flaubert sous la main, et dans le souci de rendre présent ce dialogue inépuisable, que d’écrits en écrits tu n’avais cessé de poursuivre avec lui, j’avais par un effet de trucage imaginé pour l’image de te placer (…) de dos, face à un portrait de Flaubert. L’intérêt de cette conversation, c’est que, écrivant bien évidemment les questions et les réponses, tu t’appuyais sur les écrits posthumes de Flaubert. Ce qui prouve, disais-tu à la fin de l’ « entretien », qu’il serait plus facile d’interviewer un écrivain mort qu’un écrivain vivant. (p. 75)
Quand on rencontre quelqu'un, c'est signe qu'on devait croiser son chemin, c'est signe que l'on va recevoir de lui quelque chose qui nous manquait. Il ne faut pas ignorer ces rencontres. Dans chacune d'elles est contenue la promesse de découvertes.
Oui, un livre fait parfois ce miracle : celui de penser à son auteur comme on pense à un ami.
Mon éducation officielle se termina en cours de chemin. En effet, je quittai l’école primaire par la voie la plus rapide : la fenêtre.
En tournant ce film, j'écrivais un peu de texte chaque soir après le tournage. Ce texte que j'allais enregistrer , qu'on allait entendre en regardant les images. Et il m'aurait semblé que sans les images qui le recouvraient, le texte aurait manqué d'habits. Comme si l'image le protégeait de sa nudité.
Dans un livre, les mots doivent se débrouiller seuls. C'est ce qui m'inquiétait. (p. 122)
- lire c'est vivre-
(...) Pour expliquer ma surprise, il faut dire ce qu'était cette émission. Et pour le dire, le mieux, c'est de reprendre ce que tu en as dit dans-Autobiographie d'un lecteur-
"Nous donnions à lire le même livre à cinq ou six personnes. Nous leur demandons de "souligner, à la première lecture, les phrases qui, spontanément, leur avaient plu pu déplu". Le questionnement, en principe, ne concernait que les phrases soulignées. (...)
"Par leurs soulignements, les lecteurs s'approprient le livre, disais-tu." (p. 21)
Ecoute ce texte, Pierre :
"Que tirerons-nous de ces questions ? Que tirerons de toutes les réponses qui nous entraîneront à poser d'autres questions, puisque toute question ne peut naître que d'une réponse insatisfaisante ?
- La promesse d'une nouvelle question. "
C'est dans- Le Livre des Questions- d'Edmond Jabès. (p. 177)
" Relire est aussi naturel qu'aimer, dis-tu, Pierre. Les personnes qui n'aiment pas relire les livres qu'elles ont aimés me font penser à un fat qui dirait d'une femme : je l'ai déjà lue". (p. 238)
J'aimais bien ces repas. Des repas partagés. Ce partage, tu en parles dans - Des goûts et des Dégoûts-, ce petit livre qui a été publié par "L'Echoppe" en 1996 et que Pierre Alechinsky a accompagné de dessins.
Comme ce texte a eu une sortie discrète, cette fois encore, je te cite : "Déjeuner ensemble n'est pas forcément partager un repas. On ne partage un repas que si chacun mange la même chose. Au restaurant, chacun vit sa vie alimentaire, c'est le régime de la séparation. Au fond, un repas est réussi lorsque tout le monde mange la même chose et lorsque la même chose aime également tous les convives ( imaginairement bien entendu). " (p. 40)