Je pénètre dans la pièce principale. Elle est vide et froide. Comme ma vie.
Nous étions dans les chais du château Edison. La grosse horloge en bronze au-dessus des lourdes portes en chêne arborait fièrement le blason de ma famille. Je sentais des parfums de vin et de bois. Ces lieux auxquels nous appartenions ne pouvaient plus nous protéger. Nous n’étions en sécurité nulle part. Nous étions des proies faciles, des petits bouts de chair ferme. Pourquoi ? Pourquoi devions-nous subir les assauts d’un fou ? Qu’avions-nous fait, nous des enfants, pour devoir affronter tant de souffrances ?
Mon smartphone émet plusieurs bips m'indiquant que j'ai reçu un texto. Je ne comprends pas ce que je lis. Probablement une erreur.
Pourtant un sentiment étrange me submerge. Indéfinissable. L'impression de passer à côté d'un détail important.
Je relis le message et malgré moi, j'en ai la chair de poule:"il ne posera plus les yeux sur moi".
" Je plonge mon regard dans le sien. C'est dingue l'effet que mon homme a sur moi. Il me donne l'impression que je retrouverai toujours mon chemin, il est ma boussole, mon étoile du berger. "
Il est 19 heures. Ambre finit d’écrire un chapitre pendant que le poulet et les petits légumes cuisent dans le four, diffusant une délicieuse odeur dans toute la cabane. Un feu crépite dans le poêle à bois et Noé ronfle autant qu’il peut. La course dans le sable et la baignade l’ont achevé. Il soulève un sourcil à mon arrivée avant de repartir dans les bras de Morphée, si toutefois il existe une Morphée pour les chiens.
Je remplis deux verres à vin du Pessac Léognan que j’ai mis à chambrer un peu plus tôt. Je me dirige vers le canapé où elle est confortablement installée, son ordinateur posé sur ses jambes. Je lui tends un verre qu’elle prend tout en me souriant puis je retourne à la cuisine.
Depuis combien de temps, combien d’années plus exactement, n’ai-je eu cette sensation de douceur et de bonheur ?
Elle tomba sur un groupe de potes parisiens qui revenait d’Arcachon. Ils étaient étudiants en médecine et célébraient ainsi l’obtention de leur première année. Ils avaient passé quelques jours à surfer et à camper sur la plage. La veille, ils avaient cuvé à la belle étoile et avaient repris la route une fois dessaoulés. Comme la rocade était bouchée, ils prirent des chemins de traverse pour rejoindre Bordeaux.
Ces gosses n’avaient pas eu le temps de prendre connaissance de l’actualité. Ce qui expliquait pourquoi ils ne l’avaient pas reconnue alors que sa photo devait inonder la une des journaux. Elle était chanceuse sur ce coup-là.
À sa demande, ils la déposèrent devant un supermarché, près de la gare Saint-Jean. Sean lui avait enseigné comment passer inaperçue. Elle était devenue la reine du camouflage.