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Citations sur La certitude des pierres (32)

INCIPIT
Prologue
Le vent de Ségurian remonte le chemin Saint-Bernard et va se perdre tout en haut de la montagne, au-delà des forêts. C’est un vent tiède et amer comme sorti de la bouche d’une vieille, un souffle chargé de poussières de cyprès et d’olives séchées qui emporte avec lui les derniers rêves des habitants et les images interdites – les seins de la voisine guettés dans l’entrebâille -ment d’une porte, les rires des hommes à tête de chien, la dame blanche qui hante les bois. Dans sa course, il écarte ses bras et fait bruisser les feuillages des arbustes, les herbes folles, comme une rumeur. Partout sur les chemins, il efface les traces de pas.
Le village est plongé dans la torpeur, il est un corps suspendu, pour quelques instants encore, le temps de planter le décor.
On dort. Personne ne sait à qui appartient la nuit. Tout est gris-mauve et les chats ont des yeux de loup. La montagne le sait : bientôt, le disque solaire se reflétera dans la mer et la loi des hommes reprendra ses droits. Tout pourra recommencer.
On allume ici une lampe, là une cafetière, on fait glisser une savate, claquer l’élastique d’un slip. On avance à petits pas.
On a transpiré toute la nuit dans la mollesse des matelas, on s’est tourné et retourné en quête d’un peu de frais, pour quelques secondes à peine, puis on a retrouvé la chaleur froissée des draps. On en veut à l’autre d’être gras, de dégager toute cette moiteur, si bien qu’on a fini par le pousser un peu du talon, comme ça, en douce, pour gagner quelques centimètres.
La nuit peut être infernale par ici. On a cru que cette fois, on ne parviendrait pas à s’endormir, mais on a fini par y arriver, on a passé l’heure des braves, comme toujours, en bout de course, plus fatigué encore d’avoir lutté, les reins inondés de sueur tiède et la bouche sèche. Plus tard, on dira qu’il a fait chaud, juste pour lancer la conversation, mais on admet qu’on ne serait pas mieux dans le froid du Nord. On ne serait mieux nulle part ailleurs au fond. Inutile de chercher.
On est une race, un bois. La mesure se prend dans le ventre, on ne trouverait pas vraiment les mots pour bien l’expliquer. Ça se sent, voilà tout. C’est qu’on vient d’un pays à l’intérieur d’un autre pays comme la langue chante son accent local, son vocabulaire, une autre langue au fond de la langue, d’autres hommes parmi les hommes. C’est la terre qui décide ici, c’est elle qui trace les mêmes lignes sur les fronts, les mêmes cors aux pieds, les mêmes gestes. On est un bois, un bloc, une race.
On se comprend. On fait à notre idée. On a nos règles, les seules qui vaillent. Les autres peuvent passer, on les salue, de loin, comme ça. Du plus loin possible.
Les premiers rayons caressent la montagne. Chaque jour serait une naissance s’il n’y avait les hommes. Deux coups de chevrotine déchirent l’aube. Voilà, ça va commencer. Pas besoin de faire un dessin.
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Dans ces cafés de villages, les tables sont privées d’autonomie et d’intimité. On s’imagine passer quelques instants avec son employés ou son meilleur ami, mais en réalité on est tous ensemble assis à une immense table imaginaire. Que l’on soit derrière le zinc, juché sur une chaise haute, à une table au fond où qu’on s’abandonne quelques secondes sur le perron avant d’aller arroser les fleurs de la grand-mère, on participe de la même chose, chacun construit le bric-à-brac vacillant de la discussion
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Il fallait venir au cimetière, là, lové en contrebas du village, pour prendre son pouls et lire l'état civil.
A Ségurian, il y avait quatre cent âmes qui vivaient et des milliers qui reposaient. On se dit parfois que les vivants ne font pas le poids.
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On est une race, un bois. La mesure se prend dans le ventre, on ne trouverait pas vraiment les mots pour l'expliquer. Çà se sent, voilà tout. C'est qu'on vient d'un pays à l'intérieur d'un autre pays comme la langue chante son accent local, son vocabulaire, une autre langue au fond de la langue, d'autres hommes parmi les hommes. C'est la terre qui décide ici, c'est elle qui trace les mêmes lignes sur les fronts...
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Il refusait le travail alimentaire, celui qui vide les êtres au quotidien, lentement, comme on perd la mémoire en fin de vie. C'était parce que ce qu'il faisait avait un sens profond pour lui qu'il pouvait déplorer à ce point la mort d'un de ses moutons.
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On avait juste besoin d’être réunis. On faisait de l’amour ensemble, du chaud familial. Chacun était la cheminée de l’autre.
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Ces yeux en amande, c’était comme une signature, une légende sous une photo.
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Au fond dormait le caveau de la famille Levasseur. La pierre était lisse et fraîche, elle n’avait pas eu le temps de se polir, de faire des racines. On jurerait qu’elle sonne creux. Seulement une génération sous la terre. Une pièce rapportée, des estrangers, des messieurs de la ville comme on dit. Va falloir qu’ils fassent leurs preuves, les Levasseur. Va falloir me remplir ce caveau avant d’élever la voix, avant de faire les fiers, avant de touiller la soupe au pistou. C’est comme ça, c’est l’ordre des choses. Guillaume était arrivé au pays par la voie Levasseur, un chemin un peu biscornu. Après avoir travaillé toute leur vie en ville, Jacques et Catherine Levasseur avaient décidé de partir, de goûter un peu à la tranquillité des villages perchés, loin des fourmilières déshumanisées parce que la vraie vie, finalement, c’était là, dans un espace retiré, en dialogue avec la nature, avec d’authentiques échanges et du temps pour profiter de ces authentiques échanges. De l’humain avant tout. Ils avaient voulu transmettre ça à leur enfant, ce sens-là de l’existence. Il y avait un monde qu’on ne comprenait plus vraiment tout en bas, un monde qui s’atrophiait et qui n’allait pas tarder à se déchirer. Il valait mieux dé poser les armes. On voulait terminer en beauté, dans la quiétude. Ils avaient emménagé dans la maison du grand- oncle Levasseur, un original dont on savait peu de choses. Il avait fait le tour du monde et fini sa course.
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Dans ces moments de faiblesse, il détestait les chasseurs et il se détestait de les haïr autant. Et les tenant pour responsable de ce dévoiement, il nourrissait une haine de plus en plus effrayante.
Voilà, il leur ressemblait désormais. Voilà ce que je suis devenu, un Anfosso, se disait-il.
Puis il se reprenait, s’inventait une indifférence, à divertissement. Il se tournait vers sa femme, vers son fils, vers ses bêtes se rassurait, se laissait fondre en quelques instants, quelques heures au mieux.
Mais cela revenait.
Cela revenait sans cesse.
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"Élise, t'embrasser c'est un peu comme mordre dans un beignet.
- C'est que je me suis beaucoup entraînée avec ma cousine."
Emmanuel sentit alors monter l'envie de recracher son beignet.
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