Parlez. Mon esprit veut renaître. Que faut-il aimer sous le ciel ?
- Ce que vous allez voir, dit le grand Georges.
Elles sont exquises, ces rues. On y voit de vieux séminaires fermés soigneusement sur leur mélancolie.
Mais il n'est pas content de son poème. Il n'est content de rien, voyez-vous, aujourd'hui. Il parle à haute voix. Il dit "C'est mauvais. On dirait du Lamartine. La pensée est banale. La forme ne vaut pas un pet de lapin. L'inspiration m'a désertée. Je suis dégoûté de moi-même. Hugo en aurait fait autant."
(puis un peu plus loin dans le livre) :
Je suis heureux et je suis triste. Heureux d'y voir clair en mon âme, triste de me dire pourtant : Tes poèmes ne valent rien. Didyme le Gymnasiarque, L'Arbalète désabusée, La Pentologie synchronique ne sont que vanités parmi les vanités. Je suis un nain, un pauvre nain, un pygmée, un petit crottin.
- Il m'a donné jadis un livre rare, dit l'abbé Pégoulette. C'est le deux cent troisième du cinquième rayon, quand vous entrez, à gauche de la porte.
L'escalier de linoléum a des tringles de cuivre jaune. Mais il a gardé quelques glaces qui semblent se trouver chez elles, et sa grande rampe de bronze forgée par un vieil artisan au temps où les métiers aimaient la vie.
C'est loin de toi, ô Amitié, sur une colline sacrée que j'ai écrit ce livre. Je te l'offre. Tu es une bonne déesse. Dans la Provence grave et partout religieuses, j'ai été accueilli un soir d'automne, par ton grand coeur charmant qui connaît la sagesse. Je t'avais vainement cherché ailleurs. Mais tu n'habites pas tous les pays du monde. Les lieux spirituels seuls te sont chers ; et c'est ainsi que la Provence a gardé jusqu'ici tes maisons les plus douces. C'est la patrie des tendresses intérieures.
Cette fiction que je t'adresse est venue y finir tout naturellement. Un dieu y soufflait tes mystères. Accepte-ll donc sans trembler devant les mots et les pensées qu'elle répètera tout d'abord devant toi. Va plus loin que le seuil. Un coeur tendre perdu dans l'artificiel, grâce à quelques âmes profondes, y retrouve à la fin le sens de la lumière.
Mais s'il a pu le retrouver, c'est que tu lui disais sans cesse, loin des brutalités de la vie machinale, les prières antiques de sa race. Tu l'as délivré de la mort.