Quelle lecture ardue que celle de
Malicroix !
Henri Bosco est un écrivain complexe, qui teinte déjà de mystère et de surnaturel ses récits les plus innocents, même s'ils ne le sont jamais vraiment.
L'Âne Culotte par exemple. Ou
L'Enfant Et La Rivière. Avec
Malicroix,
Henri Bosco nous plonge dans une atmosphère beaucoup plus fantasmagorique. Une atmosphère à la fois insaisissable, évanescente et lourde ancrée dans la terre et dans les choses. La frontière entre le rêve et la réalité est durant tout le récit ou presque mouvante, incertaine…
Au coeur de ce récit, le testament que le vieux Cornélius
Malicroix, qui vivait coupé du monde sur une île du Rhône depuis dix ans, a laissé en faveur du dernier vivant de son sang, le paisible Martial Mégremut. Qui devra, sous la solennelle surveillance de l'inquiétant notaire Dromiols, affronter l'île et sa pesante solitude pour pouvoir prétendre à l'héritage de son singulier parent.
Si l'histoire de
Malicroix est celle d'un héritage et que l'ombre du vieux Cornélius plane sur elle, aucun homme n'en est le protagoniste. Pas plus Martial que Dromiols ou encore Balandran, l'ancien domestique de Cornélius. Plus que tous ces êtres, c'est le fleuve, le Rhône, qui impose sa présence aux hommes du début à la fin du roman. Une présence lourde, dure. Une présence forte, comme le répète Balandran. Une présence qui semble presque vivante, même si
Henri Bosco ne personnifie jamais le fleuve. Il met plutôt l'accent sur les forces de la nature, qui envahissent le récit et enveloppent les hommes au point de troubler leurs sens et d'effacer la frontière entre leurs rêves et la réalité.
Roman de la nature, d'une nature forte (le mot revient encore…),
Malicroix est également un roman à la langue ardue, qui se laisse malaisément apprivoiser. Chaque phrase doit être relue pour être comprise, pour dévoiler son sens et comprendre l'articulation du récit. Un récit dans lequel le lecteur avance lentement, à tâtons, à l'instar de Martial quand il s'aventure seul sur l'île nimbée de brouillard et d'ombres.
Celui qui aime
Henri Bosco retrouvera dans
Malicroix le style de l'auteur, qui est celui d'un homme du sacré, ancré dans la terre et ses mystère, proche de la nature et des croyances qui se sont forgées dans les esprits des hommes au fil des siècles.
J'ai apprécié la lenteur du récit, ses aspects sombres et inquiétant, le caractère souvent insaisissable des personnages, mais j'ai souffert parfois, au cours de ma lecture, du côté presque mystique du récit, que j'avais déjà regretté dans
Hyacinthe, la suite de
L'Âne Culotte.
Une lecture intéressante mais souvent exigeante, parfois même un peu trop pour ne pas en gâcher le plaisir.
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