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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Hors de ma zone de confort, certes. Hors de la zone de confort de tout le monde en fait, y compris de celle de l'auteure. Un voyage dans la tête de Linda Boström Knausgård a quelque chose de terrifiant et l'écriture est déstabilisante: souvenirs d'enfance, amnésies, moments de sa vie d'ex-épouse (de Karl Ove Knausgård), de mère et terribles traitements de "l'usine" à savoir l'HP se côtoient, s'entrechoquent et se superposent. Voici l'incipit, sans concession : "J'aurais voulu tout raconter sur l'usine. Malheureusement, je n'en suis plus capable. Bientôt je ne me souviendrai plus de mes jours ni de mes nuits, bientôt je ne me rappellerai plus pourquoi je suis née. Je peux seulement dire que j'ai fait plusieurs longs séjours dans ce lieu entre 2013 et 2017, et qu'on m'a envoyé assez d'électricité dans le cerveau pour s'assurer que je n'écrirais jamais sur ce que j'ai subi." A couper le souffle.
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Entre lumière et obscurité.
Récit nerveux.
Récit d'un enfermement.
La bipolarité.

Entre 2013 et 2017, l'autrice a effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. A coup d'électrochocs. A répétition. Pour la soigner. En éradiquant ses souvenirs.

Mais la mémoire est une drôle de machine. Et à travers ce récit, dans lequel l'autrice conte sa détresse, elle partage ses souvenirs heureux et moins heureux. de la naissance de ses enfants à sa tentative de suicide.

Entre les vagues d'électricité, le lecteur voyage dans ses souvenirs. le coeur serré. La main tremblante à chaque page qui se tourne. Accroché à cette plume poignante. Ivre d'espoir. Hymne à l'amour maternel que rien ne peut ébranler.
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Linda Boström Knausgård est née en octobre, le quinze du mois. Auteure de nouvelles, poèmes et d'un roman, paru en 2018 chez Grasset également, elle publie là un texte assez déstabilisant, qui ne rentre dans aucun des genres littéraires précédemment cités : plaidoyer, témoignage, confession, journal intime, on ne sait pas vraiment sous quelle forme définir ce texte. Mais là n'est pas le plus important. le fait est que Linda Boström Knausgård souffre et que personne n'a trouvé d'autres moyens, dans ce qui compose le monde de la psychiatrie suédoise, pour la soulager que de lui infliger des décharges électriques dans le cerveau. Dans Fille d'octobre, Linda Boström Knausgård rappelle que son pays reste celui où cette méthode est le plus utilisé, là où elle a été interdite, en Italie, ou utilisée que très rarement, aux Etats-Unis. En ce qui concerne la France, j'ai essayé de trouver des chiffres sur sa pratique, j'en ai trouvés et ce ne sont pas des statistiques rassurantes : les électrochocs sont effectivement encore une pratique d'actualité et entre 2010 et 2016, le nombre d'actes n'a fait qu'augmenter si l'on se réfère aux chiffres communiqués par l'assurance-maladie.


On finira par apprendre, au détour d'une anecdote relative à l'un effet secondaire des volts que son cerveau s'est vu administré, à travers l'expression ses « yeux bipolaires », du mal qui ronge l'auteure. L'électroconvulsivothérapie est encore utilisée pour traiter certains malades que le système hospitalier n'arrive plus à gérer autrement. le texte de Linda Boström Knausgård raconte ces séances, ou du moins ce qu'elle en perçoit, puisqu'elle est sédatée et n'a heureusement pas moyen de s'en souvenir, au sein de l'établissement, qui ressemble à tout sauf à un hôpital, il raconte son passé, la vie familiale chaotique qui était la sienne entre des parents instables, son mariage qui n'a pas tenu le choc de la maladie et surtout la forte culpabilité qu'elle ressent vis-à-vis de ses enfants. Et peut-être même cette culpabilité-là qui la sauve dans ce désir de devenir une meilleure mère.

C'est un texte dur, le flux de pensée d'une écorchée vive, qui peut toucher les peurs les plus profondes d'un lecteur, d'autant plus que si l'on a côtoyé la dépression de près ou de loin. Et c'est dramatique parce que les seules personnes à peu près saines d'esprit auxquelles l'auteure a pu se raccrocher à un moment de sa vie, son beau-père, son époux, n'en font plus partie. La maladie mentale apparaît comme une fatalité, un héritage maudit, un hôte indésirable qui a envahi chaque parcelle de sa vie, un parasite qui lui pompe l'énergie vitale, le moral, son sang. Et si la tension électrique est le recours ultime à son mal-être, l'état de détresse qui est le sien est palpable, c'est typiquement le genre de texte avec lequel j'ai beaucoup de mal à prendre du recul, cette sensation de malaise, de mal-être, est constante. Mais la lecture de ce texte est aussi surprenante, car l'auteure parle avec une grande lucidité de sa maladie et de ses ravages sur elle-même, sur son entourage. Et au milieu de tout cela, il y a ces soignants, infirmières et infirmiers, les rares figures d'attachement, vague ersatz de cellule familiale, Maria, Aalif, Charlotta, Zahid, rares figures humaines qui arrivent à s'accommoder et à passer outre la chape de plomb de la maladie.

L'écriture est à vif, comme les blessures de celle qui évolue dans ce qu'elle appelle « l'usine », qui semble être tout sauf un lieu de soin et thérapeutique : son cerveau électrisé a tout de même enregistré la farandole de corps brancardés et inconscients, à portée de vue de chacune et chacun alors même qu'ils sont dans un état de vulnérabilité totale. La déshumanisation est entière, et l'on se demande quand même comment il est possible de remettre sur pied les psychismes en miette des patients alignés à la chaîne sur le point d'être court-circuités : pour un peu que l'on s'y penche, on apprend que les impulsions électriques ont pour but de déclencher des crises d'épilepsie. Ni plus, ni moins que si l'on devait rebooter un ordinateur, elle évoque d'ailleurs cette image plusieurs fois. Et forcément, la mémoire en pâtit, et des pans de l'existence de l'auteure partent dans les limbes de son oubli, et elle s'accroche davantage au seul lien qu'il lui reste encore, celui de ses enfants.

Détruire pour soigner, ça reste tout de même un drôle de concept de ce qui est à la base une démarche thérapeutique. Quand on sait que la lobotomie n'a même pas été interdite en France, même si elle n'est plus pratiquée, et pratiquée encore dans certains pays, il conviendrait peut-être de se poser la question de la question du respect du patient. L'auteure a été internée contre sa propre volonté, et au-delà de cette question de renoncer à la traiter comme un être doté d'un pouvoir décisionnaire, l'auteure démontre la douleur physique qui est la sienne quand il faut qu'elle se fasse piquer, et l'humiliation d'être réduite à un corps et à un cerveau malades. C'est ce qui ressort de ces retours dans le passé, avec une mère et un père qui ont eux-mêmes disjoncté depuis longtemps.

La fin de ce texte laisse entrevoir une lueur d'espoir, un espoir de sérénité à venir, en tout cas, on l'espère de tout coeur pour elle que cette torture électrique ait été bénéfique quelque part. Il est en tout cas la preuve que le traitement qu'elle a subi n'a pas totalement annihilé son goût et son don pour l'écriture. J'imagine que ce fut peut-être pour elle un défi pour reprendre la main sur sa vie que de mettre en mots ce témoignage adressé aux autres, texte pour elle-même, afin de graver définitivement sur le marbre les souvenirs de cette parenthèse de sa vie, pour lutter contre les effets destructeurs de la thérapie.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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