(parlant des sorties scolaires)
Ils sont même prêts à aller voir le musée de l'agriculture local, qui expose trois râteaux à foin, quatre paniers à vanner et douze paires de sabots, pourvu que la visite tombe pendant les heures de cours.
La vie des charançons était assez monotone.
Elle était tout entière consacrée à l'instruction.
Tous les matins, les jeunes charançons se levaient aux aurores, s'emplissaient les estomacs, et puis, leurs cartables au bras ou sur le dos, qui à pied, qui à vélo, qui en des autobus, ils allaient s'instruire.
Pour l'instruction des jeunes charançons avaient été construits des lieux spéciaux, appelés lycées, avec des chaises pour s'asseoir et des tables pour dessiner des organes sexuels dessus. Quand ça sonnait - car il y avait des sonneries, pour que tout un chacun sût quand l'instruction commençait -, les jeunes charançons se massaient devant la porte de leur classe, attendant que le professeur charançon arrivât, muni de sa clé, pour ouvrir le lieu où l'instruction était dispensée. Quand il n'arrivait pas, c'était une joie chez les jeunes charançons, qui voyaient s'ouvrir devant eux, à défaut de la porte, des avenirs roses et radieux: une heure, et parfois deux, pour aller boire des liquides sucrés et écouter des musiques bruyantes dans les cafés les plus proches du lieu appelé lycée! C'était le pied. Malheureusement, ça n'arrivait pas souvent, car les professeurs-charançons avaient la conscience professionnelle chevillée au corps - bien que les opinions publiques, généralement, les tinssent pour de méprisables feignants toujours en vacances, ou en grève quand par hasard ils n'étaient pas en vacances. En règle générale, donc, le professeur-charançon arrivait, muni de sa clé, il ouvrait le lieu où l'instruction était dispensée, et l'instructiion était dispensée.
L'instruction dispensée avait ceci de remarquable qu'elle n'entretenait aucun rapport, de près ou de loin, avec le monde dont rêvaient les jeunes charançons. Ce monde-là apparaissait sur les écrans à images, et il était peuplé de créatures de rêve couchées nues sur des capots d'engins automobiles, et d'hommes virils dont le plus grand souci était de se raser la couenne au millipoil. Dans le monde des écrans à images, il y avait des paradis à cocotiers, des chocolats qui vous donnaient des extases, des habits qui vous rendaient beaux, et des gens qui gagnaient des millions en tapant dans une baballe.
Quand le ronron professoral s'arrête, [les élèves] s'arrêtent aussi; le cours, pour eux, c'est le chant des grillons, qu'on ne remarque que quand il cesse.
L'instruction dispensée avait ceci de remarquable qu'elle n'entretenait aucun rapport, de près ou de loin, avec le monde dont rêvaient les jeunes charançons (élèves).
Quand le nom d’un nouveau est annoncé, tous les anciens se retournent pour le repérer dans la foule. C’est qui, c’est qui ? Le nouveau, rouge de confusion, se lève, est applaudi et retombe précipitamment sur sa chaise. Quand il est vraiment très timide, il se contente de lever la main comme un élève du temps où ils demandaient la parole avant de la prendre, et il n’est pas applaudi.
Dans les lieux appelés lycées, on prétendait enseigner aux jeunes charançons comment résoudre des équations à deux inconnues, ce qu’ils peinaient à faire alors que n’importe quel ordinateur vous traite ça les doigts dans le nez, ou quelle était l’Histoire des charançons qui les avaient précédés, alors que l’Histoire appartenant par définition au passé ce n’est pas un sujet d’avenir ni même d’actualité, ou pis encore on leur faisait étudier de la poésie, alors que tout le monde sait bien que la poésie c’est que des konneries escrites par des individus louches portés sur la boutanche et le sexe, quand c’est pas les drogues (voir Rimbaud Arthur, Baudelaire Charles et tutti quanti)
Vous vous dites :
" Je ferais mieux de faire couver des œufs de harengs saurs par des autruches empaillées".
Le problème, c'est que même dans une classe bordélique, il y en a toujours quelques uns qui veulent travailler.
Et ceux-là vous regardent, résignés ou réprobateurs, comme de vivants remords, sacrifiés d'un système qui entend servir à tous la même soupe, qu'ils en veuillent ou non.
Ce n'est pas le passage en salle des professeurs qui va me ragaillardir l'âme.
Il y règne la franche gaieté d'un parloir de pompes funèbres.
Car c'est une caractéristique de l'adolescence de se croire éternelle.
Quand on a quinze, seize, dix-sept ans, l'avenir dans le "monde adulte", c'est loin, très loin.
Si loin que ça se perd dans toutes les brumes de l'irréalité.
Moi, adolescent, devenir vieux un jour ?
Vous rigolez, mon maître !
C'est bon pour vous, qui être probablement né vieux croûton !