Le ciel s’ennuageait, promettant une pluie lasse. La mer frappait fort les cailloux de la grève qui brisaient leur bruit de verre à mes pieds. Les goélands cassaient les carcasses crispées des crabes sur les rochers. Grise et lourde, sans soleil ni enfant, la mer n’est-elle qu’un tombeau fermé et silencieux qui secoue les ossements du corail ?
L'intensité, ça fait mal. Pis on a le droit de vouloir s'enfoncer dans l'oubli. On a le droit de vouloir oublier....
« Tu le sais pas encore, toi, parce que t’es jeune, mais en vieillissant, nos coeurs deviennent plus denses…. Quand les souvenirs remontent, on dirait qu’ils nous grafignent en dedans… »
(p. 256)
C'est malgré nous. Nous embarquons et larguons le monde parce que nous portons l'infini et que notre seule réponse, c'est l'horizon.
Des fois, (…), les occasions manquent pour dire à une femme qu'on l'aime.
Cyrille, il disait que la mer était une courtepointe. Des morceaux de vagues attachées par des fils de soleil. Il disait qu’elle avalait les histoires du monde et les digérait longuement dans son ventre cobalt, pour n’en renvoyer que des reflets déformés;
(p. 17)
Dormir entre ciel et mer, entre cent quatre-vingts degrés d’étoiles et cent quatre-vingts degrés de vagues, dans le ventre bruissant de la coque, avec la respiration puissante du vent dans mes voiles.
Quand la coque se tourne vers le large, que les vagues longues et éphémères me hissent au sommet du monde et me ramènent dans leur berceau murmurant ; quand le vent glisse dans le génois et s’appuie dans la grand-voile, alors les doutes s’éparpillent et se dissolvent. Je tends les cordages, manœuvre la barre et l’horizon m’appartient.
Je me penche par dessus bord. Dans le miroir brisé de l’eau, je suis un vitrail explosé, une mosaïque éclaboussée, une mémoire dysfonctionnelle au temps désajusté, un amas d’images en vrac qu’un orfèvre fou a agencé dans un ordre dyslexique. J’ouvre les mains et laisse glisser sur l’onde la bobine de mes souvenirs qui se déploie une dernière fois dans la vague.
Y'a quelque chose de pas naturel à nous obliger à dormir en terre tout le reste de notre mort. Marie Garant, l'eau aurait dû la garder, lui gruger la peau et les os, l'avaler pis la sédimenter, en faire du beau corail. Hiii Y veulent toujours qu'on soit le sel de la terre ! Hiii Pourquoi, nous autres, on serait pas le sel de la mer ?