Car si tout était clair, et si « les mots pour le dire nous venaient si aisément », il est évident que nous n’aurions, depuis longtemps, plus rien à ajouter.
(Boréal, p.130)
JE EST UN AUTRE.
Nous savons l'exil, le manque de respects envers notre culture et toute l'arrogance imaginable à l'égard de notre langue et de notre histoire . Le Canada anglais , malgré le petit sourire multiculturel et innocent qu'il affiche aujourd'hui , n'a jamais été une partie de plaisir pour les francophones, et pour les autochtones , ni non plus pour les Noirs ou les Asiatiques . Et aujourd'hui, contre toute attente, envers et contre tous, résilience oblige, nous la parlons , notre langue maternelle , le français d'Amérique , nous travaillons à notre manière à la construction d'une société originale.
TROUBLE DE MÉMOIRE
Dans la galerie des grandes frayeurs modernes, la peur d'oublier tient une grande place. Le mot Alzheimer est devenu aussi terrifiant que le mot cancer. Au-delà d'un certain âge, il suffit d'oublier son chapeau sur une table ou ses clés sur le contact pour qu'autour de vous on crie au loup de la sénilité précoce.
ROCKY
Ce matin, je suis heureux. Je regarde la rivière , il fait beau, dans le boisé les feuilles de l'érable ont tourné à la couleur orange , des outardes résidentes volent en petites bandes au fil de l'eau , elles jappent. Le grand tremble frilote, je bois ce café essentiel sans le quel je ne saurais survivre, et je commence dans la calme une journée de lecture et d'écriture avec l'impression que je serai béni par de grandes inspirations
La famille des humains, c’est un tas de peurs mises ensemble.
L’humain a un double avec lequel il parle toute sa vie.
Le monde moderne est de plus en plus obsédé de sécurité et nous avons plus peur que jamais.Nous avons même peur du calme, de la paix. Tout cela est devenu une industrie , un champ économique : l'industrie de la protection, de l'assurance, de la surveillance. Nous sommes une clientèle désespérée et nous payons non primes.
J'ai déjà passé une journée entière à fixer le mouvement des vagues et des marées sur les roches rondes et lisses, à Sainte-Luce-sur-Mer . L'eau, rien que l'eau, du ruisseau jusqu'à la mer, nous entraîne au plus profond de notre monde intérieur, jusqu'au tréfonds de notre âme. L'humain a un double avec lequel il parle toute sa vie.
Le langage nous cache les uns aux autres, il est une ruse. Blaise Pascal allait plus loin. Il disait que ce qui réunit les humains, ce sont les malentendus sur lesquels ils s'accordent. Dès lors, la clarté et la précision n'ont pas la valeur qu'on leur donne. Nous ne voulons pas nous faire entendre. Nous voulons plutôt ajouter aux mystères de notre communication symbolique. L'être humain n'est ni un émetteur ni un récepteur, c'est un « malentendeur ».
Le hurlement du loup donne à penser tandis que l'aboiement hystérique du chien agace.