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Critique de oblo


Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.

A l'heure de la publication d'innombrables livres sur le développement personnel, François Boucq donne, avec ce sixième tome des aventures de Jérôme Moucherot, sa version personnelle et forcément imagée de ce thème. Imagée parce que c'est une bande-dessinée, bien-sûr, mais pas seulement : François Boucq prend au pied de la lettre toutes les phrases et expressions ayant rapport au moi, au surmoi et à l'inconscient. C'est là le double sens du mot image : la reproduction visuelle d'un objet réelle ou sa reproduction virtuelle, ou mentale. Là est le coeur de ce livre, réjouissant à plus d'un titre (visuellement et intellectuellement), qui est de montrer ce qu'habituellement on pense, ou on dit, et donc ne se voit pas, au travers du parcours d'un personnage atypique, Jérôme Moucherot (dont je faisais la connaissance avec ce tome et à propos duquel, par conséquent, je ne dirai rien des aventures passées) qui résume la situation comme suit : vivre une aventure intérieure à l'extérieure, pour ne pas salir chez soi.

François Boucq propose ici un exercice de style plutôt qu'une vraie fiction. On pourrait le rapprocher en cela des oeuvres de Marc-Antoine Mathieu. Quoiqu'il en soit, la dimension stylistique de son sixième tome des aventures de Jérôme Moucherot n'empêche pas François Boucq de faire preuve d'inventivité. Bien au contraire : une fois le cadre posé et le fil rouge défini, toutes les directions s'ouvrent à l'imagination et, tant du point de vue de l'écriture que de celui du graphisme, on peut dire que François Boucq ne s'est pas fixé de limites. le dessin, d'abord, est luxuriant : la jungle, naturelle ou urbaine, accompagne le parcours de Moucherot, façon de montrer que l'environnement est autant choses à admirer qu'obstacles à franchir. C'est un dessin très maîtrisé, et en même temps d'une grande richesse (vous qui voulez lire ce livre, oubliez le mot "sobriété") visuelle, tant dans les planches en couleur que dans celles en noir et blanc. Dans la forme aussi, l'auteur se lâche un peu, même si les planches avec cases conventionnelles occupent la majorité du livre : on a tout de même le droit à de très belles doubles pages, souvent prétextes à un foisonnement onirique.

Le propos narratif, lui, pourrait être comparé à un fil : un fil que l'on tire, et que l'on suit, ainsi que l'on doit probablement le faire en séance de psychanalyse, ainsi que l'on le fait lorsque l'on écrit, que l'on a une idée qui se développe et que l'on suit d'autant plus allègrement qu'elle révèle des choses auxquelles on n'avait, a priori, pas pensé. Un matin, Jérôme Moucherot se lève, se rend dans sa salle de bain et, là, littéralement, il ne se reconnaît pas. C'est le déclic pour partir dans une aventure intérieure qui, pour être visible et un peu marrante, devra se faire à l'extérieur. Voilà donc l'agent d'assurance, veste et pantalon tigré sur le poil, parti dans la jungle de ses pensées. D'abord, les pensées sont un peu primitives, faciles : on fait face à ses peurs, on révèle ses fantasmes, soit. Et après ? On pousse un peu la réflexion, on rencontre ses démons, ils nous vainquent, on les dompte, on se pense le meilleur alors qu'on est au fond du trou. Puis tout part, tout disparaît : alors il faut retisser le lien, c'est-à-dire, sémantiquement, ce qui nous relie aux autres et ce qui nous entrave. Les personnages que l'on rencontre sont importants, et en même temps ne le sont pas, car ceux qui sont vraiment importants, ce sont ceux qui sont là depuis le début.

Il faudrait enfin dire un mot sur ces tableaux revisités, à la fin du livre, où l'on voit Jérôme Moucherot prendre la place des personnages peints par Dali, Rembrandt ou Magritte, tel un personnage iconique. Façon de conclure l'exercice de style par une touche un peu absurde pour contrebalancer le propos d'un livre qui, finalement, ne l'est absolument pas.
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