La vie réserve des surprises

Depuis les premières heures de Louise - toutes ces fois où j'ai senti que le chemin serait trop dur et où j'avais le cœur mangé par les questions -, la seule chose qui m'apaisait, c'était elle.

« Certains disent qu’une naissance est le plus beau jour de la vie d’une femme. Je dois être sacrément gâtée, alors. Parce que ma fille à moi est née trois fois. La première fois, comme tout le monde, quand on m’a posé sur le ventre cette petite masse chaude et chevelue, soudain si réelle après neuf mois à n’avoir été qu’une idée, deux bandes roses sur un test positif, trois échographies et des petits coups de pied dans mes côtes.

La deuxième fois, franchement pas comme tout le monde, et dans un bruit de tonnerre, quand le pédiatre de la maternité est entrée dans ma chambre avec l’air caractéristique du médecin qui va te filer un bon coup derrière la nuque et aimerait lui aussi être loin de là. Mon bébé est porteur de la trisomie 21.

La troisième fois, quand, après quelques jours de plus que programmé dans l’enfer hospitalier, nous sommes rentrés à la maison avec cette enfant pas comme prévu. »

Depuis la naissance de Louise, j'ai beaucoup entendu : "Je vous trouve très courageuse", "Je t'admire" ou "Je ne sais pas si moi j'aurais pu".
Laissez-moi d'abord rire, puis corriger un peu.
Je ne suis pas une "mère Courage". Je suis juste une mère. Le courage implique un choix. Le reste, c'est juste la vie, et faire avec ce qu'elle vous sert sur son plateau.

Elle, c'est ma fille. Louise. Qui a quatre mois, deux bras, deux jambes, de bonnes grosses joues et un chromosome en plus. S'il vous plaît, quand vous rencontrez une Louise, ne demandez pas à sa mère : "Ca n'a pas été dépisté pendant la grossesse ?" Soit ça l'a été et la décision de "garder l'enfant" est assumée, soit ça ne l'a pas été et la surprise a été assez importante pour ne pas revenir dessus. En plus, toute mère a une fâcheuse tendance à culpabiliser sur tout et n'importe quoi, alors un chromosome en plus passé inaperçu, je ne vous explique pas.

Et on attend. Passer un peu de temps à l'hôpital, c'est comprendre pourquoi on appelle le malade un "patient".
On attend les résultats d'un test, un créneau libre pour les échographies, que le service d'endocrinologie réponde au téléphone, que les prélèvements sanguins soient envoyés, analysés ...

« Je ne suis pas loin de penser que l'égalité entre les gens différents et ceux qui sont normaux sera atteinte le jour où l'on trouvera qu'un jeune trisomique est juste "un petit con caractériel" ».

« Si c'est plus compliqué au quotidien, si nous appréhendons l'avenir, Louise, elle, ne nous apporte que des choses positives ».

Finalement, c'est toujours Louise qui m'a soignée de sa trisomie.

Hâte de le voir, ce fameux docteur. C'est un peu comme Voldemort dans Harry Potter: tout le monde en parle, mais personne ne sait ni où ni quand il peut apparaitre

On devrait tous avoir le regard d'un enfant de quatre ans.