Le chien qui lèche une scie boit son propre sang et la douceur de son sang l'empêche de sentir le mal qu’il se fait....
( Sous la faucille et le marteau )
La mangeuse d’hommes
Une pauvre fille misérable, orpheline, incroyablement jolie, très calme, presque simple d’esprit. Elle a été prise à la maison du barine, on lui fait faire le travail le plus sale et le plus dur – elle s’échine sans un murmure, en silence, elle essaie de donner satisfaction de toutes les façons possibles. Le staroste, c’est-à-dire le plus ancien parmi les employés de la maison, un soldat-grenadier en retraite, lui prit bientôt sa virginité – elle se soumit après une résistance d’enfant, héroïque mais pitoyable. Un mois plus tard elle était enceinte, tout le monde était au courant. La femme du staroste fit une vie d’enfer, la maîtresse se hâta de renvoyer la jeune fille. En versant toutes les larmes de son corps elle fourra tout son petit bien dans un sac et quitta la maison. La femme du staroste, débout à l’entrée de l’office, jubilait sans retenue : elle sifflait en se dandinant, lançait les chiens sur la jeune fille, et en tapant avec un os sur une bassine de cuivre, criait sur tous les tons :
– Saleté ! Mendiante ! Traînée ! Mangeuse d’hommes ! Magicienne !
Jean, c’est la lumière de ton chagrin qui t’a éclairé !