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Critique de Nat_85


Voguant entre ses souvenirs, de l'Algérie à la France, dans une quête d'identité bouleversante, Nina Bouraoui nous offre une part intime des nuits de sa jeunesse. Son dernier roman » Tous les hommes désirent naturellement savoir « est paru aux éditions JC Lattès en 2018.
p. 11 : » J'ai vécu en France plus longtemps que je n'ai vécu en Algérie. J'ai quitté Alger le 17 juillet 1981. «
Dans une alternance de chapitres très courts, l'auteure raconte tour à tour son enfance en Algérie et en Bretagne et ses nuits parisiennes, lorsque, jeune adulte, elle fréquente le Katmandou, un club parisien réservé aux femmes.
Ce roman relate le combat intérieur d'une femme qui cherche à comprendre l'origine de son homosexualité dans ses liens de filiation.
p. 12 : » Je veux savoir qui je suis, de quoi je suis constituée, ce que je peux espérer, remontant le fil de mon histoire aussi loin que je pourrai le remonter, traversant les mystères qui me hantent dans l'espoir de les élucider. «
Intimement persuadée que cette lutte intérieure a été conditionnée dès sa plus jeune enfance, la narratrice se remémore l'agression dont sa mère a été victime.
p. 27 : » Plus tard, je m'infligerai le devoir de protéger toute femme du danger, même s'il n'existe pas. «
Le déclenchement semble-t-il de son détachement à un quelconque désir au sexe opposé. C'est à dix-huit ans, au moment des premiers désirs entre les bras des femmes, que Nina Bouraoui entreprend l'écriture, comme une délivrance, un exutoire.
p. 43 : » L'écriture agit comme un élixir, son geste m'apaise, me rend heureuse. «
Garçon manqué enfant, elle peine à trouver une position dans une famille déjà atypique, composée d'une mère bretonne et d'un père algérien. Sa soeur aînée semble s'être attribuée la place de fille, au sens le plus large du terme, alors que Nina ne sait comment se placer.
p. 61 : » Il y a une histoire de l'homosexualité, des racines et un territoire. Elle ne vient pas du désir, du choix, elle est, comme on pourrait le dire de la composition du sang, de la couleur de la peau, de la taille du corps, de la texture des cheveux. Je la vois organique, cela me plaît de l'envisager ainsi. L'enfant homosexuel n'est pas l'être raté, il est l'être différent, hors norme et à l'intérieur de sa norme à lui, dont il ne comprendra que plus tard qu'elle le distingue des autres, le condamnant au secret, à la honte. «
Si elle envie les garçons du quartier dans la liberté de leurs attitudes, elle méprise leur violence. Particulièrement proche de sa soeur pendant ses années d'enfance, ses amies attireront déjà son regard. le regard d'une jeune fille à la recherche de son identité sexuelle.
p. 31 : » Je souffre de ma propre homophobie. «
Les mots sont forts, mais sont le reflet d'une lutte intérieure, d'un certain dégoût – ou du moins rejet – d'elle-même. Mais combien de tourments, de nuits d'insomnie et de douleurs pour s'accepter, enfin, dans son entièreté ? Accepter cette différence qui deviendra une évidence et une force. Car lutter contre sa propre sexualité, c'est lutter contre soi-même.
p. 251 : » […] je n'y arrive pas, je ne m'assume pas, c'est éprouvant d'être différente, même si je ne peux plus faire autrement, j'ai fait un pas, je suis fière de moi, mais j'en veux à la terre entière, je trouve cela difficile d'être homosexuelle, personne ne s'en rend compte, ne mesure ça, cette violence. «
Cette immersion dans l'intimité de l'auteure est d'une touchante sincérité. L'évolution vers l'acceptation de son homosexualité passe par de nombreuses phases, comme l'atteste ce roman. Tout ce temps, ces années à lutter contre la naissance d'un désir, mais un désir qui diffère de la norme, est le témoignage d'un mal être intérieur d'une grande violence. Un roman bouleversant, qui peut contribuer à trouver un apaisement intérieur vers ce qui ne doit pas être un combat, mais une acceptation de soi.
Lien : https://missbook85.wordpress..
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