Pactum salis

Selon la distance et les lunettes qu'on chausse pour y repenser, les moments de grâce et de ridicule sont souvent interchangeables.

Parfois, les grandes causes produisent les mêmes odeurs que la précarité." (p. 38, Finitude, 2016)

p 19 ...notaire... S'il avait été assez patient, courageux et surtout intelligent, il aurait choisi cette carrière. Las, son fessier n'était pas adapté à la fréquentation durable des chaises de classe.

Un travail manuel pour un fils d'intellectuels, voilà bien un concept qui leur échappait, l'unique peut-être. Ils étaient pourtant les seuls responsables de cette coproduction. Il avait cessé de répondre à leurs appels, ils avaient cessé d'appeler. Ils s'étaient enfin compris.

L'homme des marais n'a pas de mouchoir, il laisse ses larmes sécher au soleil, au vent !

Avec un enthousiasme pétillant, il distribuait les directives, les conseils, et tentait d'instaurer une ambiance "haut les cœurs" alors que Michel ne vivait cette expression qu'au singulier.

Il n'avait pas honte de le dire, il se mettait littéralement dans la tête et à la place de ces psychopathes éphémères : un bar qui ferme, une flemme éthylique, une fantaisie ébrieuse, une maison lointaine, un vélo disponible. Le voleur de bicyclette était majoritairement un mâle blanc, souvent mineur, toujours ivre, qui souhaitait rentrer chez lui. La plupart du temps, l'objet du larcin était abandonné à moins de cent mètres de la maison du délinquant, souvent une résidence secondaire d'ailleurs. Au début de sa carrière, six ans auparavant, avec un invraisemblable professionnalisme, Jules Kedic avait enquêté pour retrouver les coupables. Il avait tapé aux portes, interrogé le voisinage et interpellé, dans un calme absolu et souvent courtois, ces bandits de grands chemins. En effet, à son grand regret, aucun voleur de bicyclette ne s'était jamais échappé par une fenêtre. Ce qui lui aurait peut-être valu un articulet relatant la traque dans l'Écho de la Presqu'île. Il imaginait cet article virilement intitulé : « L'adjudant Kedic ne lâche jamais rien », avec une photo très sombre le représentant les poings sur les hanches, très fier.

Selon la distance et les lunettes qu'on chausse pour y repenser, les moments de grâce et de ridicule sont souvent interchangeables.

Devant l'apathie parentale, Jean rentra dans le rang et se plia à la banalité la plus élémentaire. Il devint un élève moyen, un jeune homme assez effacé, pourvu d'un rôle parfaitement facultatif dans les groupes d'amis à la marge desquels il gravitait. Ses amitiés se trouvaient ailleurs, il les dénichait au cœur du papier jauni à l'odeur appétissante de grenier, fourni par la bibliothèque gargantuesque que ses parents alimentaient plus régulièrement que le frigo. La littérature meubla d'une présence vitale sa solitude.

J'aime bien donner raison aux autres, voyez-vous, ça leur fait plaisir et ça me repose. D'ailleurs, je n'ai aucun ego et lorsque je suis sobre, je m'incline devant toutes les idéologies. Mes opinions se réveillent seulement les nuits de bamboche. Dans ce cas-là, je grogne, je revendique, j'argumente, je fiche la pagaille, j'arrose, je parfume, et les lendemains j'ai toujours le tracassin. Me battre pour des idées me déprime lamentablement.